On ne compte plus le nombre de jeux d’horreur qui sortent ces dernières années. Le genre a majoritairement été mis en avant grâce aux streamers diffusant leurs parties en ligne et grâce auxquels le public peut découvrir moult aventures horrifiques tout en épargnant leurs douces nuits. Parmi ces derniers, une licence a su se faire une place toute particulière dans le cœur des amateurs du genre : Little Nightmares. Des jeux où l’on se retrouve dans la peau d’enfants sans aucun moyen de lutter face à un monde hostile et effrayant. Après une préquelle sortie en 2021, Bandai Namco continue d’étendre cet univers délicieusement morbide avec un Little Nightmares III, qui, cette fois-ci, ne comporte aucun lien direct avec ses prédécesseurs.
Testé sur PS5 grâce à une version numérique envoyée par l’éditeur
Little changement
Lorsque Little Nightmares s’est fait connaître au grand public en 2014 sous le nom de Hunger, nous étions loin de nous douter qu’il découlerait de ce jeu toute une franchise. Depuis lors, la licence s’est développée sous plusieurs formats : le jeu mobile, la bande dessinée, le jeu de rôle papier, le podcast et même un projet d’adaptation en stop motion (sans doute pour remplacer le projet de série annoncée en 2017 et dont nous sommes sans nouvelles depuis). D’ailleurs, certains de ces projets ont été annoncés durant un showcase dédié à Little Nightmares, démontrant son succès. De quoi créer un univers solide, dans lequel nos peurs d’enfant les plus viscérales prennent vie.
Et ce n’est pas Little Nightmares III qui fera exception à la règle, puisque ce nouvel opus nous permet d’incarner non pas un, mais deux protagonistes infantiles. Maintenant que Tarsier a été racheté par Embracer, Bandai Namco se retrouve avec une franchise à l’univers bien particulier : quoi de plus logique donc que de la confier au studio qui a œuvré sur plusieurs épisodes de la saga The Dark Pictures Anthology ? Si les deux licences jouent dans des cours bien distincts, Supermassive Games possède logiquement assez d’expérience dans le domaine de l’horreur pour parvenir à capter l’essence même de Little Nightmares.
Nightmares are made of this
Après avoir incarné Six dans Little Nightmares et Mono dans Little Nightmares II, Supermassive Games nous propose ici de choisir directement entre l’un des deux personnages jouables : Low et Alone. Si l’on ne sait rien des héros de l’histoire, on comprend vite que les deux sont amis et ont appris à compter l’un sur l’autre pour survivre dans cet univers oppressant. Nos deux vaillants protagonistes possèdent chacun leur caractéristique propre : tandis que Low dispose d’un arc, Alone est équipée d’une clé à molette. Mais n’espérez pas vous en servir comme d’armes à proprement parler : dans Little Nightmares III, nous ne sommes rien de plus qu’une proie de tous les instants face à des créatures difformes, souvent de taille démesurée d’ailleurs.
Depuis ses débuts, la franchise a toujours su verser dans une iconographie forte, à grands coups de personnages humanoïdes difformes et dont le design penche parfois vers le body horror, ce sous-genre qui transgresse les limites de la génétique, humaine ou animale, pour donner naissance à des violations physiques du corps. Dans le cas présent, cela se traduit principalement par des corps difformes, des visages boursouflés, voire tuméfiés, des membres de taille aberrante quand il ne s’agit pas de chimères composées de parties du corps humain qui n’ont rien à faire ensemble.
Bien que cette violence visuelle soit omniprésente, Little Nightmares III ne verse étrangement pas dans le gore, mais plutôt dans le choc visuel. Il n’est certes pas étonnant de voir des viscères dégouliner d’un élément du décor que l’on déplace ou des corps en putréfaction. Pour autant, des scènes de violence infligées aux protagonistes ne sont toutefois pas présentes dans le jeu : tout se fait de façon relativement indirecte. Le jeu mise également beaucoup sur l’ambiance et sur ses décors pour l’immersion.
En effet, comme dans un véritable cauchemar d’enfant, tout est extrêmement grand, haut et imposant, tandis que Low et Alone sont fragiles, chétifs et petits. La moindre table est plus grande qu’eux, utiliser une chaise nécessite souvent de l’escalader et monter sur une table demande aux protagonistes de sauter. Il n’est d’ailleurs pas rare de pouvoir se faufiler dans de petits espaces ou de se cacher dans une petite caisse en bois. Et de manière générale, les éléments du décor peuvent être escaladés pour atteindre des trappes ou des conduits d’aération afin d’accéder à une pièce adjacente. Ce sentiment d’impuissance, tant face aux créatures qui ornent ces espaces aussi terrifiants qu’oniriques, fascine autant qu’il glace le sang.
Hunting Alone and Low
Le gameplay de Little Nightmares a beau avoir gagné en profondeur depuis le premier opus, il n’en reste pas moins très dépouillé. Mis à part les déplacements et les sauts/escalades, Low et Alone peuvent saisir des objets, les lancer ou encore ouvrir des portes, ainsi qu’utiliser leur objet fétiche. Comme nous l’évoquions plus haut, il ne s’agit nullement d’armes à proprement parler, mais avec du travail d’équipe, il sera toutefois possible d’éliminer quelques rares menaces, toujours à des moments bien précis. Pour le reste, il faudra bien souvent prendre la fuite en espérant tomber sur un endroit inaccessible pour les résidents difformes des quatre zones que l’on explore tout au long de l’aventure.
Aussi dépouillé soit-il, le gameplay se met au service des quelques puzzles et énigmes du jeu qui viennent barrer la route de nos deux personnages. La plupart se complètent du premier coup et sont assez basiques, mais certaines peuvent nous laisser tourner en rond quelques minutes pour peu que l’on ne soit pas assez attentif. En effet, la réponse se trouve très souvent sous notre nez et il suffit de bien regarder autour de soi afin de savoir où aller ou par quel endroit passer pour se débloquer. Oubliez donc la notion de challenge, Little Nightmares III ne nécessite pas de grosses capacités de réflexion.
En revanche, il faudra souvent faire preuve de réflexes, et les rares fois où l’on meurt dans le jeu sont généralement des moments où l’on est pris au dépourvu. Qu’il s’agisse d’un monstre débarquant sans prévenir et nous courant après ou bien d’éléments du décor qui s’effondrent, il nous est arrivé de devoir recommencer plusieurs fois une scène car il y a parfois trop peu de temps pour scanner la situation et comprendre où il faut aller. Ce cas de configuration se compte sur les doigts de la main mais s’avère frustrant. On ne meurt pas à cause de la difficulté ou d’un manque de réflexes, mais juste parce qu’on ne nous laisse pas assez de temps pour appréhender tout ce qu’il se passe.
Suivre un ennemi en course, comprendre l’environnement et essayer de trouver une échappatoire dans ce qui semble être une impasse peut parfois faire beaucoup en l’espace de quelques instants, d’autant que l’action est souvent frénétique dans ces moments-là. D’un autre côté, cela accentue l’effet oppressant du jeu, comme si les bruitages inquiétants qui résonnent dans la Sphère étaient des avertissements qu’après le calme vient toujours la tempête. Évidemment, si vous faites partie de ces joueurs qui arrivent à se sortir de ces situations délicates dès le premier coup, le jeu ne vous opposera pas énormément de résistance.
Sauf peut-être lors de phases de plates-formes qui, dues à la 2.5D proposée par le jeu, pourront parfois être un peu délicates. Rien de très compliqué en somme, mais il n’est pas impossible d’avoir l’impression d’être bien placé pour effectuer un saut et de se louper car le personnage que l’on incarne n’était pas assez bien aligné. La caméra et l’effet de profondeur n’aidant pas, c’est quelque chose qui peut arriver régulièrement, surtout que la physique des personnages n’est pas des plus fluides. Cela fait complètement sens dans la mesure où l’on incarne des enfants, mais il est toujours bon de le rappeler.
Court mais intense (surtout à deux)
C’est d’ailleurs sans doute le bon moment pour vous parler de la durée de vie du jeu, qui, à l’instar de ses prédécesseurs, s’avère être assez courte. Comptez environ 5 à 6 heures pour le compléter une première fois, et ajoutez bien quelques heures de plus pour terminer l’intégralité du jeu, pour peu que vous ayez le syndrome de la collectionnite. Quelques secrets sont dissimulés ici et là, en plus d’une poignée de collectibles par niveau, prenant l’apparence de petites poupées. Dommage que les récolter ne débloque pas quelques bonus comme une galerie d’images, des concept arts, un lecteur musical ou bien des éléments documentant la création du jeu.
Little Nightmares III s’avère malheureusement peu généreux à ce niveau-là, ce qui frustrera peut-être ceux qui auront dépensé la quarantaine d’euros nécessaires pour l’acquérir. Même s’il convient de noter que l’éditeur offre la possibilité de jouer en coopération avec le Pass Ami : en téléchargeant ce dernier, il est possible d’inviter un joueur ne possédant pas le jeu à jouer avec nous. Et il sera évidemment possible de compléter l’intégralité du jeu avec cette même personne. On se souvient notamment de It Takes Two et plus récemment Split Fiction pour avoir implémenté cette sympathique possibilité.
À ce titre, précisons que l’édition Deluxe, vendue 20 euros de plus, s’avère être de loin la plus intéressante concernant le rapport qualité/prix. Elle propose, en plus de quelques costumes, le Season Pass donnant accès aux extensions futures ainsi que Little Nightmares Enhanced Edition, qui sortira le même jour. Une aubaine pour ceux qui n’auraient pas encore joué au premier opus.
Les quelques ombres au tableau évoquées ne gâchent pas complètement l’expérience : Little Nightmares III offre une atmosphère délicieusement macabre doublée d’une réalisation digne d’un film d’animation pour public averti. Si l’on a pris du plaisir à le parcourir en solo, c’est bien en coopération en ligne que le titre libère son plein potentiel. Plus que jamais, on y retrouve des influences solides entre Tim Burton et Guillermo del Toro. C’est un jeu sombre dans lequel nos traumas d’enfance ressurgissent, une œuvre courte mais marquante, un voyage vers l’inconnu dans lequel la notion d’espoir semble oblitérée. On regrettera l’absence d’une réelle narration, car le jeu évoque des thèmes forts comme la santé mentale, ainsi que la presque absence de cinématiques (les peu présentes dans le jeu ne durent guère plus de quelques secondes).
Avec Supermassive Games aux commandes, on aurait pu s’attendre à une emphase mise sur ces points, mais le studio s’est contenté de reprendre la formule de Tarsier, sans trop y toucher. Comme si l’héritage qui leur a été légué se devait d’être respecté au plus haut point. Ou bien peut-être était-il question pour le studio d’offrir à la communauté un troisième opus respectueux de ses aînés et qui ne trahit jamais ses origines ? Sans dénaturer le matériau de base, le studio britannique livre une copie un peu trop semblable à Little Nightmares et Little Nightmares II, à un tel point que l’on ne s’en serait sûrement pas rendu compte par nous-mêmes si l’info n’avait pas été communiquée. Ce qui ne sera sans doute pas un problème pour les fans – du moins on imagine.
Verdict
Little Nightmares III est une épopée sombre et onirique dans un univers où la présence de nos protagonistes n’est désirée que pour en faire un quatre-heures. L’atmosphère du jeu est maîtrisée de bout en bout, et ce, malgré une aventure qu’on aurait bien vue un peu plus longue. Il faut le savourer en coopération pour en tirer toute la quintessence, et ça tombe bien, avec le pass ami, on peut littéralement parcourir tout le jeu avec quelqu’un n’ayant pas acheté le jeu. Pour le coup, on apprécie que Bandai Namco et Supermassive Games aient suivi ce chemin, qui permettra sans doute au plus grand nombre de découvrir la licence. Malgré des énigmes trop faciles, un léger manque d’originalité et un petit côté frustrant par moments, il n’en reste pas moins un moment agréable : un comble quand on sait que le jeu fait tout pour faire ressurgir nos peurs infantiles. Et sur ce point-là, c’est un sans-faute.
Points forts
- La direction artistique est maitrisée
- Le mode co-op ainsi que le Pass Ami
- Visuellement très réussi
- Facile et accessible, même aux non initiés
- La bande-son et les bruitages font mouche
- Respectueux de la licence et des deux précédents jeux
- De nouvelles idées de gameplay intéressantes
Points faibles
- Un peu frustrant, mais pas pour les bonnes raisons
- Court et peu généreux en contenu
- Peut-être un peu trop facile pour certains
- Un léger manque de prise de risque