Après près de neuf ans d’absence, et un troisième épisode en demi-teinte qui n’a pas su trouver son public, la licence culte Mafia fait son grand retour. Fini les époques récentes et modernes, le studio Hangar 13 nous ramène là où tout a commencé. Véritable capsule temporelle, Mafia: The Old Country porte la lourde responsabilité de raviver la flamme, autant auprès des vétérans en quête d’authenticité que des nouveaux venus curieux de découvrir la patte narrative du studio. On vous rassure de suite, le voyage qu’il nous a proposé s’avère bien plus enthousiasmant que ce que l’on pouvait craindre.
Test réalisé sur PC à l’aide d’une version numérique envoyée par l’éditeur
C’est avant tout une histoire de famille
Pour replacer un peu le contexte, il faut revenir aux origines de la série avec Mafia: The City of Lost Heaven, sorti en 2002 par Illusion Softworks. GTA-like se déroulant dans les années 1930, le joueur incarne un chauffeur de taxi qui se retrouve, malgré lui, impliqué dans une affaire de gang mafieux. Après avoir été chauffeur le temps d’une nuit pour deux membres de la famille Salieri, notre protagoniste gravit rapidement les échelons jusqu’à devenir membre à part entière de la famille. Désormais fidèle à son Don, il se voit confier des missions variées : récolter les taxes, suivre des transactions, participer à une course de voiture ou encore régler des comptes.
Mais si cela peut paraitre être une vie excitante au premier abord, notre personnage finit par ne plus se reconnaitre avec les années. Enchainant quelques erreurs et se rapprochant doucement des autorités, il finit par troquer son costume de mafieux fou et fougueux contre celui d’un père de famille cherchant une vie paisible. Mais la mafia ne pardonne pas… et la fin n’en est que plus tragique.
S’ensuit un deuxième épisode, avec deux nouveaux personnages, cette fois en février 1945, peu avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, en Sicile. Là où le premier volet posait les bases, ce deuxième épisode l’étoffe. L’histoire se concentre sur un duo charismatique, Vito et Joe, qui se retrouvent, eux aussi, embrigadés dans une nouvelle famille. Adieu Lost Heaven, bonjour Empire Bay, nouveau terrain de jeu où tout semble leur sourire… du moins en apparence. Car les illusions s’effritent vite, et ce duo iconique restera gravé dans la mémoire de tous ceux qui ont posé leurs mains sur ce titre.
Cinq ans plus tard, Mafia III voit le jour, mais peine à égaler l’aura de ses deux prédécesseurs. L’histoire se déroule dans une époque plus proche de la nôtre, en 1968, et met en avant un récit de vengeance sur fond de débats autour de la guerre du Vietnam et du racisme. Moins marquant, il restera dans l’ombre des deux premiers opus, véritables références et guides spirituels pour ce nouveau chapitre : Mafia: The Old Country.
On vous rassure tout de suite, il n’est pas nécessaire d’avoir joué aux précédents Mafia pour comprendre les enjeux de ce nouvel épisode. Cette fois, on quitte définitivement l’Amérique pour remonter aux origines de la mafia italienne. L’histoire débute avec Enzo, notre protagoniste, dans une Sicile parfumée au vin et aux citrons. Mais avant de goûter à la liberté, Enzo est réduit en esclavage, vendu par son père à une mafia locale pour travailler dans les mines. Bien décidé à fuir cet enfer, il élabore un plan : réunir suffisamment d’argent pour quitter la Sicile et embarquer pour l’Amérique, destination Empire Bay. Malheureusement pour lui, rien ne se passe comme prévu. Après un premier combat au couteau, des éboulements dans une mine, du gaz mortel et une course-poursuite à cheval, il est sauvé par une famille rivale. Par gratitude, il accepte de travailler pour elle et gravit rapidement les échelons, passant de petite main à membre officiel grâce à ses actions de plus en plus profitables. Mais appartenir à une organisation mafieuse est loin d’être un long fleuve tranquille, certaines décisions d’Enzo vont le rattraper plus vite qu’il ne l’imagine… et non sans danger.
Le scénario de Mafia : The Old Country puise ainsi largement son inspiration dans celui de ses deux illustres prédécesseurs, tant dans sa structure que dans la façon de présenter ses personnages, dont certains rappelleront à coup sûr des figures bien connues des fans de la saga. Un choix malin qui rassurera les vétérans tout en permettant aux nouveaux venus de se familiariser avec le style d’écriture du studio. On pourra toutefois lui reprocher un manque d’originalité dans le déroulement de certaines missions, qui évoquent parfois, et cela, presque à l’identique, des moments marquants du premier, voire du deuxième volet. Mais est-ce vraiment un défaut de s’inspirer de ce qui a déjà fait ses preuves ? Pas nécessairement, car au-delà du scénario, l’habillage change radicalement : nous voici propulsés dans les années 1900, avec des décors plus forestiers, des véhicules moins modernes, mais tout aussi fidèlement reproduits, et un gameplay soigneusement adapté à l’époque.
Bats-toi si t’es un homme, Testa di cazzo !
Hangar 13 nous avait prévenus. Avec Mafia: The Old Country, le studio entend revenir aux sources, aussi bien du côté scénaristique que dans le gameplay qu’il propose. En effet, si vous avez eu la chance de faire Mafia Definitive Edition, que nous vous recommandons vivement, vous retrouverez des contrôles similaires, que ce soit lors des balades en voiture ou des combats. Cependant, manette en main, l’ensemble des commandes se révèle légèrement différent, à cause de l’époque à laquelle se déroule le jeu dans lequel tout était moins moderne et plus brut.
Avant d’aborder ces deux aspects, il faut répondre à une question cruciale : le titre propose-t-il un monde ouvert ? Malheureusement, ou heureusement, Mafia: The Old Country n’offre pas d’exploration libre pendant l’histoire, mais se compose plutôt d’une succession de passages linéaires, allant d’un point A à un point B. Cela reflète la volonté de faire de ce nouvel épisode un véritable petit film interactif, sans aucun temps de chargement visible.
S’inspirant de productions vidéoludiques comme God of War ou The Last of Us, les temps de chargement sont subtilement dissimulés lors de cinématiques finement orchestrées, permettant aux joueurs de rester immergés sans jamais lâcher la manette. C’est là que réside sa plus grande force : une histoire et une écriture captivantes, tout en restant accessibles. On en viendrait presque à regretter les phases de gameplay pur, qui ne sont pas toujours à la hauteur de ce que proposaient les anciens épisodes.

Que serait un Mafia sans un bon échange de tirs ? Et bien Mafia: The Old Country ne semble pas accorder une grande importance à cet aspect, proposant davantage des phases d’infiltration que de véritables moments de shoot. Cela dit, les quelques échanges de balles restent agréables, malgré des armes anciennes et un peu rustiques. On retrouve ainsi des armes iconiques comme des carabines Herstal, des revolvers, ou encore des modèles plus exotiques. La représentation historique est remarquable, aussi bien dans la modélisation que dans le gameplay, où l’on ressent pleinement la difficulté de rechargement de certaines armes, plus lente, mais diablement efficace. De même que sur la gestion des munitions, plus rares à cette époque et donc plus rares dans nos poches.
Si les armes à feu ne sont donc pas mises en avant, les couteaux occupent, eux, une place centrale. Des combats en arènes leur sont entièrement dédiés, souvent lors de moments fatidiques, comme les combats de boss. Ici, pas de florilège de mouvements complexes : il suffit de parer ou d’esquiver les attaques de l’adversaire avant d’enchaîner plusieurs coups de couteau bien placés. Sympa pendant les premières heures, cette mécanique devient vite répétitive face à des ennemis peu coriaces. À l’image des duels dans Ghost of Tsushima, les combats au couteau de Mafia: The Old Country offrent des moments cinématographiques intéressants, malgré une certaine redondance. Mention spéciale au dernier combat au couteau, tout simplement magnifique, dont on taira les enjeux.
Car oui, le couteau sera votre meilleur allié tout au long de l’aventure, notamment durant les phases d’infiltration qui occupent la majorité du temps de jeu. Ces phases, bien que peu complexes, s’inspirent de titres comme Assassin’s Creed ou Hitman, avec un système d’instinct permettant à Enzo de repérer la position des ennemis sous forme de spectre blanc. Lorsque la cible est localisée, plusieurs options s’offrent à vous. La plus simple consiste à attirer son attention en lui lançant une pièce ou une bouteille, puis à l’assommer discrètement via un petit « mâchage » de bouton à l’ancienne. L’autre solution est de l’éliminer purement et simplement, mais cette méthode endommage votre couteau.
Une fois votre victime hors d’état de nuire, vous pouvez déplacer son corps et le cacher dans une caisse pour éviter d’alerter les autres gardes, même si ceux-ci ne brillent pas toujours par leur intelligence, parfois même aveugles face à vos agissements. Avec des phases d’infiltration dans un titre nommé Mafia, on pourrait croire qu’il est possible d’y aller fusil à la main pour provoquer une véritable boucherie. On vous arrête tout de suite : certaines missions vous obligeront à rester discret, sous peine de devoir recommencer entièrement le niveau. Un choix un peu frustrant qui limite les approches possibles lors de certains moments clés de l’histoire.
Après les phases d’action, place aux moments plus contemplatifs avec la conduite… ou la chevauchée à cheval, une nouveauté de cet opus. Bien que rudimentaire, il est plutôt agréable de parcourir la côte sicilienne à dos de cheval ou au volant d’un véhicule des années 1800-1900. Ces derniers, bien que moins efficaces que les chevaux en montée à cause de leur faible motorisation d’époque, sont emblématiques, tant leur contrôle que leur sonorité sont respectés. On entend le cliquetis des chaînes d’une voiture de course, les pistons du moteur, et le passage des rapports dans une montée un peu raide. Même si ces phases servent surtout de prétexte pour se rendre à une destination, certaines offrent des combats en véhicule, où il faudra, tout en conduisant, tirer sur des adversaires. Ces moments marquants sont cependant un peu gâchés par un manque de précision dans la conduite et par l’emplacement de la gâchette de tir, placé au niveau du LB sur la manette Xbox.
Tout comme les armes et les couteaux, les véhicules et les montures pourront être débloqués au fil de l’aventure ou achetés grâce à la monnaie du jeu, les Dinars. Ces derniers sont récupérables aussi bien sur les cadavres de nos victimes que dans des coffres à crocheter grâce au couteau qui, on le rappelle, s’abîme à chaque utilisation. Ils permettent de s’offrir de nouveaux équipements, des costumes, mais aussi des charmes. Ces charmes, présentés comme des babioles, peuvent être équipés sur un collier pour offrir à Enzo des bonus passifs plus ou moins intéressants. Cela peut être une meilleure précision, un rechargement plus rapide, plus de place pour les munitions parfois très limitées, ou même la possibilité de lancer un couteau.
Sur le papier, l’idée est très intéressante, mais la courbe de progression étant peu marquée, nous nous sommes retrouvés à garder longtemps les charmes de base fournis lors du tutoriel. Trop anecdotiques, ces derniers se trouvent tout au long de l’aventure ou en mode exploration, et peuvent être équipés à tout moment selon les besoins. Mais rester trop longtemps dans un menu pour optimiser son personnage serait un sacrilège, surtout face à la beauté d’une Sicile aussi immersive.
Sicilia bedda, Sicilia mia
Avant toute chose, nous tenons à préciser que nous n’avons pas pu profiter pleinement de la beauté offerte par Mafia: The Old Country. En effet, avec une configuration PC répondant seulement aux exigences minimales, il est difficile de se faire un avis objectif, notamment quand la distance d’affichage est réduite et que les textures bavent un peu. Pourtant, Hangar 13 a réussi à conserver une certaine cohérence visuelle malgré la faible qualité sur notre machine. Il est donc très probable que, sur une console comme la PS5 ou sur une configuration plus puissante, les décors de la Sicile proposés par Hangar 13 soient tout simplement magnifiques.
La représentation de cette Sicile des années 1900, telle que conçue par Hangar 13, est parfaitement réussie, comme en témoignent les nombreux concept arts proposés par l’équipe en contenu bonus. Difficile de ne pas être émerveillé en parcourant le port de la ville ou en se baladant à travers les vignes familiales. De nombreux détails viennent enrichir l’expérience, pour le plus grand plaisir des puristes et des historiens amateurs avides d’anecdotes sur les lieux ou les coutumes. Toutefois, et pour contrebalancer autant de beauté, on regrettera un manque de vie global avec aucune trace d’animaux ou encore de routine des personnages non joueurs. On regrette aussi l’absence d’interactions plus poussées avec le monde en mode exploration, limitées à la collecte des derniers objets à récupérer ou à la prise de photos de lieux spécifiques. En soit, cela peut être un défaut pour celles et ceux souhaitant parcourir le monde de Old Country en exploration libre, mais sa force réside surtout dans son mode Histoire.
De plus, il est difficile de dire si cela est lié à notre configuration, mais cette belle représentation aurait été encore plus agréable sans ces nombreux bugs visuels qui viennent parfois gâcher l’immersion. Lors de notre partie, nous avons rencontré un total de six crashs ainsi que quelques bugs visuels mineurs, comme un personnage sans jambes ou même sans tête. Parfois, des lignes noires traversaient l’écran pendant quelques secondes avant de disparaître complètement. On note aussi des ralentissements lors des transitions entre cinématiques et phases de gameplay.
Au vu de la qualité de modélisation, des textures et des jeux de lumière du jeu, on se demande ce qui justifie une telle consommation de ressources. À titre de comparaison, nous faisons tourner Cyberpunk 2077 en Ultra sans soucis sur la même machine. Malgré ces petites déconvenues, il est difficile de ne pas tomber sous le charme de cette représentation, surtout quand elle s’accompagne d’une bande originale magnifique et d’un doublage français exceptionnel. Celui-ci respecte pleinement la philosophie des personnages, avec de nombreuses phrases en italien, parfois un peu trop, pour renforcer les origines de nos héros. Si vous n’êtes pas fan du doublage français, Hangar 13 propose plusieurs langues, dont le sicilien, une attention vraiment touchante.
Je pense qu’il est important de garder un certain équilibre…
Finalement, que devons-nous retenir de Mafia: The Old Country ? Comparé à ses prédécesseurs, il incarne un véritable retour aux sources, rappelant la force d’écriture du premier opus et le gameplay du second, mais au prix d’une certaine originalité. Cela ne fait pas pour autant de lui un mauvais jeu, bien au contraire. Avec une durée de vie comprise entre 10 et 12 heures, il constitue une excellente porte d’entrée pour la série. Cependant, pour les vétérans, son aventure peut sembler un peu plate, mêlant guerre de mafia et histoire d’amour déjà vu. Du côté des personnages secondaires, certains restent intéressants, même si, avec un temps de jeu aussi court, il est difficile de s’y attacher vraiment, mis à part à notre héros.
Si vous souhaitez débuter l’aventure Mafia, nous vous conseillons même de commencer par The Old Country, plus moderne dans son gameplay et doté de graphismes mieux travaillés. Ensuite, dans l’ordre, vous pouvez enchaîner avec Mafia Definitive Edition de 2020 ou directement Mafia 2: Definitive Edition de la même année, qui restent des titres de qualité malgré leur âge. Ainsi, vous l’aurez compris, Mafia: The Old Country semble être le véritable héritier spirituel de la série Mafia, là où le Mafia 3 était une tentative de renouveau de la licence un peu ratée. Reste maintenant à voir si Mafia: The Old Country saura trouver son public pour faire perdurer la famille, car la famille, elle, est éternelle.
Verdict
Mafia: The Old Country est une véritable surprise, malgré quelques défauts. Son gameplay n’est pas des plus passionnants, avec beaucoup trop de phases d’infiltration pour un jeu à l’esprit Mafia, mais l’histoire qu’il raconte et l’ambiance sicilienne des années 1900 sont tout simplement magnifiques. C’est un véritable retour aux sources de la licence après plus de neuf ans d’absence. Spirituellement hérité de ses aînés, il reprend le meilleur des deux premiers opus, appliqué avec soin, mais oublie de vraiment trouver sa propre identité en voulant trop bien faire. On se retrouve ainsi avec une histoire plaisante, une aventure agréable, voire un peu courte, proposée à un prix plus que raisonnable. Si vous souhaitez découvrir la licence dans de bonnes conditions, Mafia: The Old Country est le candidat parfait pour faire revivre cette franchise iconique des années 2000.
Points forts
- Une véritable plongée dans la Mafia italienne
- Très beau graphiquement
- Une excellente VF
- Une histoire intéressante et captivante
- Une bande originale incroyable
Points faibles
- Une exploration anecdotique
- Beaucoup trop de phases d'infiltration
- Un gameplay peu révolutionnaire
- Une boucle de gameplay répétitive
- Quelques problèmes d'optimisation