Près de vingt ans après sa sortie sur PlayStation 2, Metal Gear Solid 3: Snake Eater renaît sous la forme de Metal Gear Solid Delta: Snake Eater, un remake attendu de pied ferme par les fans. Icône de l’infiltration et pierre angulaire de la saga de Hideo Kojima, Metal Gear Solid 3 revient aujourd’hui dans une version portée par l’Unreal Engine 5, ce remake plonge une nouvelle génération de joueurs, comme les vétérans nostalgiques, au cœur de la jungle soviétique en pleine Guerre froide, là où s’écrit l’une des pages les plus marquantes de l’histoire de la saga.
Testé sur PC grâce à une version numérique envoyée par l’éditeur
Un classique indémodable
Sorti en 2004 sur PlayStation 2, Metal Gear Solid 3: Snake Eater est considéré comme l’un des sommets de la saga de Hideo Kojima. Plongé en pleine Guerre froide, le joueur y incarne Naked Snake, futur Big Boss, envoyé en mission derrière le rideau de fer pour sauver un scientifique, détruire une arme nucléaire et affronter son ancienne mentor, The Boss. Entre infiltration, survie dans la jungle et mise en scène cinématographique, le titre s’est imposé comme un chef-d’œuvre vidéoludique, acclamé pour ses personnages, son intensité dramatique et ses mécaniques innovantes de camouflage, de soins et de la restauration de la stamina via la chasse ou la consommation de rations.
Après deux décennies, Konami a enfin donné vie à un remake officiel : Metal Gear Solid Delta: Snake Eater, sorti le 28 août 2025 dernier sur PS5, Xbox Series et PC. Développé sous Unreal Engine 5, le jeu conserve intégralement l’histoire et les environnements d’origine tout en proposant un lifting visuel. Ce choix, perçu comme un respect de l’œuvre originale, répond à une longue attente alimentée par une frustration : celle des cinématiques recréées des années plus tôt dans le moteur FOX Engine… mais uniquement pour des machines à pachinko, décision qui avait été largement critiquée par la communauté. Avec Metal Gear Solid Delta: Snake Eater, Konami propose donc une version à la fois hommage et mise à jour technique d’un pilier de l’infiltration, offrant aux anciens joueurs une redécouverte fidèle et aux nouveaux venus une porte d’entrée idéale. Le remake se présente comme un équilibre entre modernité graphique et préservation d’un scénario culte, unissant nostalgie et renouveau.
Quand Kojima réimaginait la Guerre Froide
Situé en 1964, en pleine Guerre froide, Metal Gear Solid 3: Snake Eater raconte la première grande mission de Naked Snake, futur Big Boss. Envoyé derrière les lignes soviétiques, il doit sauver le scientifique Nikolaï Sokolov, contraint de travailler sur une arme nucléaire redoutable, le Shagohod. Mais la mission prend une tournure tragique lorsque sa mentor et figure maternelle, The Boss, trahit son pays et rejoint l’URSS à la tête de l’unité Cobra. Ce retournement pousse Snake à affronter ses propres convictions et à remettre en cause le sens même de sa loyauté.
Au fil de son périple dans la jungle soviétique, Snake affronte des ennemis charismatiques, du redoutable et jeune Ocelot jusqu’aux membres surhumains de l’unité Cobra, avant de se mesurer à The Boss dans un duel final devenu légendaire. Derrière l’histoire d’espionnage et d’armes nucléaires, le jeu explore des thématiques profondes : la transmission, le sacrifice et la frontière trouble entre devoir patriotique et trahison. Ce récit initiatique scelle la naissance de celui qui deviendra Big Boss, figure centrale de toute la saga Metal Gear.

Ce qui fait le charme unique de MGS3, et plus largement de la Saga de Big Boss, c’est son côté uchronique. Le jeu mélange avec habileté un contexte historique crédible, celui du milieu des années soixante, en pleine rivalité entre blocs de l’Ouest et de l’Est, avec des éléments technologiques futuristes et parfois improbables. Le Shagohod, arme d’anéantissement à la pointe de la science-fiction, ou encore les planeurs utilisés par l’armée soviétique, viennent brouiller les frontières entre réalisme et imagination. Ce mélange donne au récit une atmosphère singulière, entre thriller d’espionnage et fable techno-historique, sans oublier son côté très James Bondesque, jusque dans le thème principal de Cynthia Harrel : Snake Eater.
Un gameplay fidèle, parfois trop conservateur
Si Metal Gear Solid Delta: Snake Eater modernise l’opus d’origine visuellement, son gameplay reste, lui, étonnamment figé. Le remake reprend presque trait pour trait la structure de l’original, au point de s’inspirer directement de la version 3DS sortie en 2012. En conséquence, très peu de nouveautés viennent enrichir l’expérience : l’absence de mécaniques modernes, comme un sprint, se fait cruellement sentir et empêche parfois l’action de gagner en fluidité. De même, le découpage en zones, hérité de la PS2, est, lui aussi, conservé. Si ce choix se comprenait il y a vingt ans, il paraît aujourd’hui daté. De ce fait, l’exploration perd en fluidité et donne une impression artificielle de fragmentation, là où une refonte complète avec une jungle plus ouverte et continue aurait renforcé l’immersion.
Le système d’inventaire, véritable signature de MGS3, n’a pas été repensé en profondeur. Bien qu’un menu de raccourcis ait été ajouté, gérer les pansements, attelles, antidotes ou encore la nourriture reste laborieux. Ce réalisme poussé – Snake doit par exemple soigner ses fractures, recoudre ses plaies ou manger régulièrement pour conserver son énergie – participe à l’ambiance de survie unique du titre, mais peut aussi casser le rythme et devenir agaçant pour les joueurs modernes habitués à des interfaces plus fluides. La gestion du camouflage, qui oblige à jongler entre différents motifs et peintures faciales pour rester discret, est toujours au cœur de l’expérience, mais conserve la lourdeur des changements fréquents via l’inventaire.
Côté infiltration pure, le remake ne trahit pas l’esprit de l’original. Snake doit gérer son endurance, son bruit de déplacement, et l’usure de ses armes, notamment des silencieux dont le nombre d’utilisations est limité. Les duels contre les membres de l’unité Cobra restent des moments forts, toujours basés sur des mécaniques ingénieuses. Bonne nouvelle pour les puristes : Metal Gear Solid Delta: Snake Eater conserve ses deux systèmes de caméra introduits à partir de Metal Gear Solid HD Collection sur Xbox 360 et PS3. On peut ainsi jouer avec la vue aérienne “classique”, très proche de l’expérience PS2, ou opter pour la caméra à l’épaule introduite dans les versions HD, offrant un confort moderne. Enfin (et encore heureux), il est possible de se déplacer en étant accroupie, mécanique issue de la version 3DS de Metal Gear Solid 3: Snake Eater. Pour rappel, tenter d’avancer en étant accroupie conduisait Snake à se mettre à plat ventre et à ramper auparavant, et même dans les versions HD et plus récemment encore dans la Metal Gear Solid: Master Collection Vol. 1, la version présente de MGS3 étant tout simplement celle de la précédente HD collection sans modification particulière.
Un remake frileux
À la surprise générale, Metal Gear Solid Delta: Snake Eater s’est révélé plutôt stable sur PC, malgré les doutes soulevés avant sa sortie. Les chutes de framerate sont rares : nous n’en avons constaté que deux marquées, l’une dans le bâtiment menant à la rencontre avec Granin, l’autre lors de la spectaculaire séquence de fuite en moto avec Eva. Hormis ces passages isolés, le jeu tourne de manière fluide et offre une expérience visuelle propre, preuve que le passage sous Unreal Engine 5 a apporté une certaine robustesse technique.
Cependant, il faut bien reconnaître que ce remake manque cruellement d’ambition. À bien des égards, il donne l’impression que Konami et Virtuos se sont contentés de transposer la version 3DS dans un nouveau moteur graphique, avec un minimum de retouches. La structure de gameplay et des environnements reste identique au poil près, tout comme les animations et la mise en scène des cinématiques. Même les dialogues, toujours efficaces et portés par d’excellentes performances vocales, proviennent directement de la version PS2 d’origine, sans réenregistrement. Ce choix, sans doute motivé par la crainte de dénaturer l’œuvre de Kojima, reflète une volonté claire de ne prendre aucun risque, comme si le spectre de l’échec de Metal Gear Survive planait encore au-dessus du projet.
Pour autant, ce remake offre quelques bonus pour élargir le contenu. Le mode Snake vs Monkey fait son retour, et un nouveau Metal Gear Online a été confirmé. Enfin, une curiosité attend les joueurs qui terminent l’aventure au moins une fois : Guy Savage Δ, un étrange prototype abandonné par PlatinumGames, ressurgit sous la forme d’un mini-jeu façon Devil May Cry, dans une ambiance gothique et expérimentale. Une surprise inattendue, qui tranche avec la frilosité générale du reste du remake.
Verdict
Metal Gear Solid Delta: Snake Eater est un remake à la fois fascinant et frustrant. Visuellement réussi et techniquement solide, il rend hommage à l’un des plus grands classiques du jeu vidéo sans jamais le trahir. Mais à force de prudence, Konami et Virtuos livrent une version trop conservatrice, qui conserve autant les forces intemporelles de l’original que ses lourdeurs d’époque. Plus une restauration qu’une réinvention, Metal Gear Solid Delta: Snake Eater séduira les puristes et offrira une belle porte d’entrée aux nouveaux joueurs, mais laisse un goût d’occasion manquée pour un titre qui aurait pu marquer une nouvelle génération. Reste que son prix d’acquisition de 80 € paraît excessif au regard de l’expérience proposée. Vendu quelques dizaines d’euros de moins, le jeu aurait sans doute trouvé un meilleur équilibre entre hommage respectueux et proposition commerciale.
Points forts
- Un lifting graphique convaincant
- Une stabilité technique globale sur PC, malgré de rares chutes de framerate.
- Une ambiance unique et un mélange d’uchronie et de réalisme.
- Les deux modes de caméra (classique et moderne) disponibles.
- Le retour de contenus bonus : Snake vs Monkey et la promesse de Metal Gear Online.
- Une surprise inédite avec le mode Guy Savage Δ.
Points faibles
- Très peu de nouveautés en termes de gameplay.
- Découpage en zones toujours présent, daté et rigide.
- Absence de mécaniques modernes comme le sprint.
- Inventaire et gestion des soins/nourriture encore poussifs.
- Cinématiques et dialogues repris à l’identique, sans réenregistrement.
- Une impression générale de manque d’ambition et de frilosité créative.
- Vendu bien trop cher pour ce qu'il a à nous offrir (80€)