Il y a des titres qui n’ont pas besoin d’en faire plus pour attirer l’attention des curieux et des curieuses. Cela est dû essentiellement à une direction artistique qui détonne, mais aussi à une histoire qui semble aussi énigmatique que magique. The Midnight Walk coche ainsi toutes ces cases, entre un univers lumineusement sombre et une part de réalité virtuelle. Alors que la mode semble être au stop motion, The Midnight Walk parvient-il à sortir du lot ? Pour le découvrir, un long voyage nous attend… sur la voie de minuit.
Test réalisé sur PS5 à l’aide d’une copie envoyée par l’éditeur
Quand le jeu vidéo s’attaque au 7ème art
Nous sommes en septembre 2024, et un petit studio du nom de MoonHood nous dévoile son titre façonné d’argile et de carton : The Midnight Walk. Si ce nom ne vous dit pas grand-chose, les fondateurs du studio risquent, eux, de vous parler davantage. En effet, derrière ce logo représentant une petite chouette se cachent Olov Redmalm et Klaus Lyngeled. Un duo qui a dirigé Zoink Games et développé des titres comme Fe, Ghost Giant ou encore Lost in Random. Trois jeux qui se sont fait remarquer par leur direction artistique, fortement inspirée du cinéma d’animation, notamment du stop motion et de l’univers de Tim Burton pour le dernier. Souhaitant approfondir ce média, le studio MoonHood a été fondé et ce qui deviendra la Voie de Minuit fut alors tracé.
Assez mystérieux quant à son intrigue, The Midnight Walk nous conte les aventures de Chair de Cendre et de Flamme. Le premier semble avoir été éveillé par un créateur énigmatique, avec pour mission de ramener la chaleur du soleil dans un monde empli de ténèbres. Le second accompagnera notre protagoniste dans son voyage, mais sera surtout le porteur de la flamme permettant de rallumer cette lumière. Tous deux devront suivre une route bien précise jusqu’au Mont Lune, où une lune gigantesque a remplacé le soleil. Cette route, bien connue des habitants de ce monde et empruntée par nombre de Chair de Cendre avant nous, est nommée la Voie de Minuit – The Midnight Walk.
Une histoire somme toute assez classique sur le papier, mais qui se révèle plus complexe et touchante au fil de la progression dans le jeu. On passe ainsi de ville en ville, chacune racontant sa propre chute liée à la perte de sa flamme. Chair de Cendre et Flamme devront rallumer l’espoir perdu des habitants en répondant à diverses requêtes, tantôt fastidieuses en raison de leur accueil réservé, tantôt touchantes à cause de cette perte de lumière. Quatre chapitres majeurs sur six nous dévoilent une histoire parallèle à la nôtre, nous aidant à comprendre le monde qui nous entoure et ses enjeux. Le premier et le dernier faisant office, respectivement, de tutoriel et de conclusion à notre périple.
Par son écriture et son univers sombre, rappelant des films d’animation comme L’Étrange Noël de monsieur Jack ou Numéro 9, The Midnight Walk s’apparente davantage à un petit film d’animation interactif qu’à un jeu au gameplay révolutionnaire. Cela se traduit par l’absence de choix de difficulté, ainsi que par une prise en main très simple côté gameplay.
Une lumière parmi les ombres
Ne vous attendez pas à un gameplay qui transcende le genre : The Midnight Walk est avant tout une expérience. Cela se traduit par la volonté de proposer le jeu à la fois sur console, PC et surtout sur les supports de réalité virtuelle. Ces derniers, sans doute favorisés par le studio, se font ressentir dès la première prise en main du jeu. Tout pousse à l’interaction en VR, que ce soit le placement des objets, leurs manipulations ou encore le son spatial.
Le jeu débute en nous poussant littéralement à prendre des yeux pour voir et des oreilles pour entendre. Un choix qui, sur le papier, semble pertinent pour immerger le joueur, mais qui s’avère un peu trop visible pour celles et ceux découvrant le jeu sur un écran classique. Avec un champ de vision plus adapté aux lentilles de casque, certaines animations apparaissent à des angles de vue spécifiques et le gameplay intègre des mécaniques propres à la réalité virtuelle. Pourtant, après quelques minutes à se demander si le titre saura s’émanciper de son support de prédilection, The Midnight Walk nous bluffe par son style graphique et ses quelques pirouettes de gameplay.
Tel un animal de compagnie, le petit pot Flamme et la lumière émanant de son crâne, seront au cœur du jeu. Il peut être utilisé pour allumer des bougies à distance, attirant ainsi les créatures avides de lumière. Il servira également à déverrouiller des passages nécessitant de produire de la chaleur. De son côté, Chair de Cendre pourra allumer certaines bougies pour éclairer le chemin ou se réchauffer lors de tempêtes glaciales. Nos deux protagonistes seront rapidement rejoints par un troisième compagnon, nommé Maisonnette, servant de base pour rassembler les objets à collectionner. Le jeu, dont la progression suit une trajectoire linéaire, ne présente aucune réelle difficulté tant les points de réapparition sont nombreux. De plus, les ennemis ne sont pas un grand défi, mais impressionnent par leur mise en scène et leur modélisation.
Centré sur le désir universel d’obtenir de la lumière, le gameplay repose principalement sur la nécessité de se cacher dans des armoires ou des tunnels. Si ce principe rappelle fortement le jeu Alien: Isolation, l’intelligence artificielle des ennemis reste trop limitée pour réellement nous faire frissonner. Ce point aurait mérité plus d’attention, notamment pour instaurer une tension et une urgence capables de nourrir une véritable réflexion sur la fin du jeu. Car The Midnight Walk n’est pas un jeu long : avec une durée de vie d’environ huit heures, vous vous souviendrez pourtant de toutes les histoires de ce monde triste, façonné par des mains d’artistes.
Fait d’argile et de carton
The Midnight Walk s’inspire des plus grands studios d’animation pour offrir une expérience unique. Pour appuyer cette passion du stop motion, chaque élément du jeu est d’abord façonné à la main avant d’être modélisé en 3D. Cela se ressent particulièrement dans les environnements, riches en détails : empreintes dans l’argile, textures spécifiques aux matériaux de studios d’animations. Si, comme nous, vous êtes friand de cette technique, nous vous invitons vivement à jeter un œil au making-of réalisé par MoonHood Studio il y a déjà un an. Les créateurs y ouvrent les portes de leur studio, et l’on peut déjà y apercevoir les créatures peuplant ce drôle d’univers.
Au-delà des décors et des modélisations, ce qui fait du jeu une véritable œuvre d’art, ce sont ses jeux de lumière, particulièrement bien mis en scène. Porté par l’idée de ramener la chaleur dans le monde, tout ce qui touche au feu est traité de manière unique. Le jeu explore ainsi des thèmes fascinants : la découverte du feu par l’humanité, sa capacité à nous protéger du froid, ou encore sa fonction lumineuse, permettant notamment de projeter des images sur grand écran. Ce dernier symbolise les débuts du cinéma, à travers des projecteurs personnifiés en petites créatures, diffusant de véritables petites saynètes mises en scène par les développeurs eux-mêmes. Une belle occasion de découvrir les sculptures du studio, ainsi que l’amour que ses membres portent au septième art.
Avec un visuel aussi soigné, il est logique d’y associer un travail sonore tout aussi remarquable. Côté sound design, le travail est exceptionnel, particulièrement dans les phases de gameplay où l’on ferme les yeux pour écouter les sons environnants. Tout craque avec justesse, tout crépite magnifiquement, et le monde dépeint ici est d’une crédibilité déconcertante. Il est dommage que les joueurs sur un simple écran de télévision ne puissent pleinement profiter de ce travail de spatialisation. Le jeu recommande d’ailleurs l’utilisation d’un casque pour une immersion optimale, conseil que nous n’avons pas suivi à notre grand regret. Côté musique, on retrouve Joel Billie et Bortre Rymden, déjà à l’œuvre sur Fe et Ghost Giant. Ce duo nous offre une bande son tout en douceur qui ravira les plus mélomanes d’entre nous.
Après tant d’éloges, il est difficile de trouver de réels défauts à The Midnight Walk. Tout fonctionne parfaitement, sans souci technique sur PlayStation 5, avec une prise en main intuitive. L’histoire parvient à nous tenir en haleine jusqu’au bout, et les personnages rencontrés sont suffisamment charismatiques pour nous marquer durablement. Mais alors, qu’est-ce qui pourrait clocher dans ce jeu qui évoque fortement Journey dans son propos ? Pour répondre à cette question, il faut regarder du côté des joueurs qui ne seront peut-être pas sensibles à un jeu aussi niche. Ou encore l’aspect stop motion, bien que superbement réalisé comme dans South of Midnight, sorti quelques mois plus tôt, pourrait en rebuter certains. Côté gameplay, il manque de véritable originalité et surtout de temps pour permettre à ses idées de pleinement s’exprimer. On en redemanderait un peu plus pour pouvoir vraiment les exploiter, plutôt que dans un simple niveau bouclé en moins d’une heure. Mais au-delà de ces réserves, The Midnight Walk demeure un véritable petit chef-d’œuvre, à faire et à refaire sans hésiter.
Verdict
Quand on pense à des titres poétiques et artistiques, certains ressortent plus facilement que d’autres, tant par leur originalité visuelle que par l’efficacité de leur gameplay. The Midnight Walk fait désormais partie de ce club très fermé des véritables petits chefs-d’œuvre en argile. Avec une histoire intéressante, un gameplay qui ne réinvente pas la roue, mais fonctionne parfaitement, et une direction artistique époustouflante, The Midnight Walk ravira les joueurs les plus curieux. Proposé à un prix défiant toute concurrence (39,99 €) et disponible sur PlayStation 5, PC, PS VR et Steam VR, le jeu s’impose comme une belle opportunité. Difficile de faire la fine bouche face à cette lettre d’amour au cinéma d’animation. The Midnight Walk est une pépite à ne pas manquer… sauf si vous avez encore peur du noir.
Les +
- Une histoire intéressante
- Une esthétique très riche
- Une spatialisation sonore incroyable
- Des personnages touchants
- Simple mais diablement efficace
Les -
- Un peu trop court
- Un gameplay peu révolutionnaire
- Une difficulté trop basse
- Force à mettre un casque audio