Au moment de son annonce, courant septembre 2019, A Total War Saga : TROY n’avait pas fait grande impression. Il faut l’avouer, l’idée de faire gambader des Grecs en jupette pour secourir ou garder une reine sur une carte déjà vue faisait pâle figure. Surtout quand quelques mois plus tôt le développeur en question sortait Total War: Three Kingdoms, tout en continuant à agrémenter sa poule aux œufs d’or Total War: Warhammer II. Après cette annonce, ce fut l’information au compte-goutte, guerre dans la boue, carte de campagne dévoilée. Jusqu’à l’hécatombe en juin dernier : « A Total War Saga ; TROY sera gratuit le jour de son lancement sur l’Epic Games Store ». À ce moment précis, nous n’avions plus aucun espoir pour le jeu.
Test réalisé sur PC grâce à une copie numérique envoyée par l’éditeur
« Est-il obligatoire de jouer au deux premiers pour comprendre celui-ci ? »
A Total War Saga: TROY vous propose de vivre le conflit légendaire de la mythologie grecque, la guerre de Troie. Afin de vous évitez des recherches laborieuses, voici un court résumé du pourquoi et du comment de cette guerre. Au début il y avait un mariage, celui de Thétis nymphe marine importante et Pélée roi de Phthie, organisé par Zeus en personne. Tous les Dieux furent invités, sauf une, Éris divinité de la Discorde. Éris prenant note de cela se pointa malgré tout au mariage et donna une pomme d’or, fruit sur lequel fût annoté « Pour la plus belle ». Du coup Héra (déesse du mariage), Athéna (déesse de la stratégie militaire entre autres) et Aphrodite (déesse de l’amour) se disputèrent l’acquisition de cette dernière. Afin de clore le débat, Zeus demanda à Hermès d’emmener les trois déités au mont Ida. Là-bas se trouve Pâris, fils cadet de la famille royale troyenne, qui devra départager les trois concurrentes. Les déesses défendirent leur cause : Héra lui promit la Terre, Athéna la victoire et Aphrodite l’amour de la plus belle femme. Pâris n’étant qu’un homme décida d’offrir la pomme à cette dernière, qui lui proposa la main d’Hélène de Sparte, épouse du seigneur des Spartes Ménélas. Nous vous épargnons l’épopée, pour arriver au fait que Hélène succomba au charme de Pâris et rentra avec lui à Troie. Vous vous en doutez, cela n’est pas du goût de Ménélas, qui appelle ses alliés pour guerroyer contre Troie, ce qui marque le début de votre aventure.
De ce postulat, en avançant les divinités ainsi que quelques protagonistes, vous êtes en droit de vous demander si le soft tire vers la fantaisie ou l’historique ? Le conflit étant légendaire, le studio britannique fait le choix de se placer habilement entre l’imaginaire et le plausible, pour ce qui est de la narration du moins. Dès lors, la représentation des héros, soldats ou êtres mythiques (Centaure, Harpie, Sirène) est humaine, avec des traits légèrement renforcés (les centaures sont un brin plus grands et velus, les Sirènes ont une beauté sans égale). Même constat pour les divinités qui sont présentes, mais en retrait si nous comparons les faits à l’Iliade originelle. En effet les dieux sont neutres, ne prenant parti pour aucun des héros, alors que cela est le cas dans l’œuvre (l’exemple d’Aphrodite qui est côté des troyens). Bien que l’Olympe ne se manifeste pas, les deux camps sont quant à eux bien formés et vous devrez faire choix. Deux grandes branches divisent la Grèce : Les Danéens et les Troyens. De chaque côté quatre héros vous attendent, chacun avec plus ou moins de difficulté, mais des motivations propres afin de faire découvrir différents points de vue du conflit.
Ces guerriers aux allures humaines, mais aux statistiques prodigieuses
Bien que cet opus soit un Saga, il n’est pas moins un Total War dans l’âme, avec ses grandes lignes et ses ajouts. Ainsi nous retrouvons les deux parties distinctes du gameplay, à savoir une phase dite « campagne » sur une map monde au tour par tour, puis des combats en temps réel. Du côté de la partie campagne, peu si ce n’est pas d’évolution. Ce moment permet au joueur de gérer ses colonies en construisant, de déplacer ses généraux ou de faire grossir les armées, mais aussi jouer des mots avec la diplomatie. A Total War Saga: TROY prend le meilleur des opus précédents en l’épurant afin de rendre ces atouts optimaux. Ainsi la diplomatie de Total War: Three Kingdoms est présente mais est retravaillée en supprimant le relationnel/espionnage entre les personnages pour ne garder que les accords d’échanges poussés. Côté nouveauté il n’est plus question d’un revenu, mais de plusieurs ressources à récupérer et dépenser. En effet les constructions, comme le recrutement et l’entretien de vos unités, se feront en fonction de plusieurs ressources (nourriture, bois, pierre, cuivre et enfin or) à produire dans les villes prévues pour cela. Ce changement majeur justifie de repenser l’aspect stratégique. Ainsi l’expansion n’est plus uniquement territoriale mais en fonction des besoins du joueur. À noter que Creative Assembly ne met pas de côté les divinités, un onglet « Faveur divine » fait son apparition et permet de faire des offrandes aux Dieux en place. Ceux-ci accorderont plus ou moins de bonus de facto avec le niveau d’affinité jusqu’à, à terme, pouvoir proposer des unités inédites.
Côté combat, nous avons le droit à un subtil mixage entre Total War: Warhammer et Three Kingdoms, d’où découle les affrontements magistraux des généraux et les unités « spéciales » englobées des mysticismes de la mythologie grecque, sans jamais flancher dans le surnaturel pour ces dernières. Toutes les unités classiques sont présentes, des lanciers aux épéistes, à la hache ou la masse, en surmontant des chars ou chevaux, préférant la distance avec l’arc, le javelot ou la fronde. Le studio anglais semble avoir pris note des erreurs passées, car sans proposer un roster d’unités aussi diversifié que l’opus sous licence Games Workshop, il ne tombe pas dans la simplicité de l’épisode des Trois Royaumes. En effet, toutes les factions ont des troupes aux statistiques uniques. Cependant pour ce qui est des soldats spéciaux, comme les Harpies ou Corybantes, il faudra les recruter dans des villes spécifiques accessibles à tous les protagonistes. Ces guerriers aux allures humaines, mais aux statistiques prodigieuses, mettent en exergue le principal problème de cet opus. Total War Saga: TROY ne sait pas s’il doit se placer du côté des jeux historiques ou fantaisistes pour son gameplay, Creative Assembly préférant établir une frontière floue entres ces deux, donnant des résultats parfois surprenants. Malgré cela les factions disponibles, au nombre de huit, ont des gameplay éloignés les unes aux autres, que cela soit sur la carte campagne ou en combat.
L’Intelligence artificielle semble profiter de plusieurs évolutions, à la fois sur la partie campagne que les combats. Plus retord que jamais, elle contournera vos généraux si elle estime cela nécessaire. Tout comme les échanges commerciaux, si vous êtes en pénurie d’une ressource elle n’hésitera pas à vous proposer des solutions alléchantes à votre problème. À plusieurs reprises elle nous a surpris en déviant, de presque toute la carte, pour chercher des cités reculées. Oh ! Point qui ravira sûrement certains, mais le snowball semble être de l’histoire ancienne pour Troy. En combat elle assure également la prise de décision, les unités à distance préféreront cibler les soldats dépourvus d’un bouclier pour maximiser les dégâts. La conquête d’une ville ou capitale se fait maintenant sur deux fronts, avec des forces bien composées.
Des choix aux conséquences qui départagent
Sans être de toute jeunesse, le moteur de Total War: Warhammer fait son retour avec ce nouveau Saga. Il est à noter que contrairement à Warhammer, A Total War Saga: TROY utilise ce moteur différemment, les textures sont précises mais manquent cruellement de détails, que cela soit sur les soldats ou les bâtiments. À l’inverse le terrain (les arbres, les herbes et différents types de sols), gagne en finesse et se paye aussi le luxe d’être avec des couleurs chatoyantes, voire criardes. Les effets de particules comme la fumée ou le feu sont absents, au profit des réverbérations des métaux ou de l’eau plus travaillées. Même postulat pour les animations, les soldats classiques perdent celle-ci alors que les généraux et autres unités uniques gagnent en souplesse sur ce point. Ces choix ont pour conséquence d’offrir l’un des jeux de la série les plus fluides à ce jour, ce qui en ravira certains, mais cela se fait au détriment du côté spectaculaire des opus précédents, très prisé pour d’autres.
Côté direction artistique, c’est encore une fois un quasi-sans-faute, Creative Assembly sait s’entourer d’artistes et le montre bien. L’aspect méditerranéen est bien représenté avec des couleurs vives, comme le blanc, le jaune ou encore le vert si singulières dans ces régions. Afin de rester dans le thème de la mythologie, l’art antique grec (principalement par la céramique), demeure toujours en toile de fond. Nous retrouvons donc cette nuance orangée mettant en avant des corps sensuels au modelé parfait noir, des montagnes saillantes et des nuages à l’arrondi léger. Cette direction artistique rare de nos jours est un véritable vent de fraîcheur.
Avec huit factions, vous aurez de quoi faire.
Difficile d’estimer la durée de vie d’un Total War. Il en ira de votre investissement et de l’intérêt que vous portez à l’époque. De notre côté il nous a fallu une petite vingtaine d’heures pour terminer une campagne, en prenant notre temps pour découvrir les subtilités, puis une dizaine pour achever une seconde. Comme nous l’avons déjà abordé, les factions ont un grain singulier, que cela soit pour les combats ou sur la carte campagne. De fait, d’un héros à un autre la campagne change par moment fondamentalement. Attention, ce A Total War Saga: TROY est uniquement une expérience solo, les modes multijoueurs (pour les batailles ou la campagne) sont absents.
Certaines unités, comme les Sirènes, ont accès à des compétences uniques. Comme dans le mythe, elles peuvent attirer l’aggro d’une troupe rivale. Par-contre ce n’est pas par le chant, mais par une tenue légère.
Verdict : 7/10
A Total War Saga: TROY n’est peut-être pas le meilleur des Total War, mais il est indéniablement le plus abouti de la série des Saga. Exploitant une histoire mythique rarement mise en avant, la guerre de Troie prend véritablement vie dans ce STR, ce qui plaira à la fois aux fans de l’Iliade comme aux fanatiques des jeux Creative Assembly. De nombreuses améliorations sont notables, principalement liées à l’IA qui est plus maligne et risquera d’en surprendre plus d’un. Côté gameplay l’arrivée des ressources est appréciable et démontre une avancée significative de l’aspect diplomatique, qui avait déjà fait un pas de géant avec Total War: Three Kingdoms. Tout n’est pas rose, car le moteur commence à sérieusement se faire vieux, et si les artistes du studio anglais rivalisent d’ingéniosité pour le tirer vers le haut, les lacunes techniques qu’il engendre s’accumulent. De même, la non-prise de décision du développeur à placer clairement le soft vers l’historique ou le fantastique, risque de déplaire à certains. Mais malgré cela, bien que nous étions dubitatifs à l’annonce de la gratuité de celui-ci, forçons-nous de reconnaître que Creative Assembly fait une clef de bras à nos aprioris en délivrant un jeu de très bonne volée.
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