Louisiane, 1924. Une étrange lettre, écrite de la main de l’oncle de votre cliente, Emily Hartwood, vous parvient. Celui-ci se serait perdu dans un complexe psychiatrique où d’étranges personnages, ayant quelque peu perdu la tête, y résident. Vous êtes Edward Carnby, détective privé, et êtes en charge d’aider cette pauvre jeune femme à retrouver le membre de sa famille, mais à quel prix ? Car quelque chose rôde dans ce manoir, une atmosphère pesante et lourde de souvenirs ainsi que… d’hallucinations ? Alors que nous parcourions encore les lignes du magnifique ouvrage traitant de la saga Alone in the Dark par Third Edition, il est temps de parcourir à nouveau le manoir de Derceto, 32 ans après le premier opus. Véritable hommage ou pétard mouillé ? Entrez par-derrière et surtout n’oubliez pas votre lampe de poche, il serait fort dommage d’être seul dans le noir.
Test réalisé sur PC à l’aide d’une copie numérique fournie par l’éditeur
Content de te revoir… Derceto
Si vous n’avez pas eu la chance de pouvoir jouer au jeu original créé par Frédérick Raynal en 1992, ce remake d’Alone in the Dark vous permet de le découvrir sous une toute nouvelle écriture. Mais revenons tout de même aux origines et comparons cette nouvelle version à celle qu’elle était auparavant. Dans celle de 1992, l’histoire met en scène soit Edward Carnby, le détective, soit Emily Hartwood, nièce du peintre Jeremy Hartwood ayant eu des soucis. En effet, celui-ci était le propriétaire de l’étrange demeure de Derceto située en Louisiane, mais est retrouvé mort au grenier après avoir laissé une lettre dans un tiroir secret de la pièce. Après une enquête rapide de la police, ayant conclu à un suicide, Emily et Edward partent résoudre l’affaire dans ce manoir abandonné où rôde une présence mystérieuse. Dans la nouvelle version proposée par Pieces Interactive, nous retrouvons les grandes lignes et les personnages, mais l’histoire y est entièrement changée.
Désormais, c’est Emily qui reçoit la lettre de son oncle et engage Edward pour l’aider à le retrouver dans le manoir de Derceto, devenu entre-temps un centre psychiatrique où vagabondent des personnages énigmatiques flirtant entre illusion et réalité. À vous de choisir qui percera les secrets de ce manoir, puisque comme dans le premier épisode, le jeu vous laisse le choix d’incarner soit Emily ou Edward. Toutefois, que vous choisissez l’un ou l’autre, le protagoniste n’ayant pas été choisi sera présent dans les lieux, ajoutant davantage de lignes de dialogue et d’interaction avec le joueur, mais aussi avec les PNJ. Et c’est ici la grande différence avec la première version de Alone in the Dark : les personnages parlent, et ils parlent beaucoup. De plus, le choix du personnage a une importance dans le récit, car celui-ci sera différent en fonction de qui vous incarnez, même si la trame principale et les évènements resteront les mêmes.
C’est après une très belle cinématique nous plongeant dans les années 20, accompagnée d’une douce musique jazzy, que nous avons décidé de prendre les traits d’Edward Carnby, interprété par l’acteur David Harbour, pour coller au mieux à l’expérience de l’opus original. Et première surprise, lors du choix de notre héros, le nom des acteurs interprétant les différents personnages y sont renseignés. Un détail très sympathique qui montre un réel respect envers ces derniers, mais aussi l’ensemble des participants au projet. Après avoir choisi notre enquêteur, il est temps d’ouvrir les portes du Manoir en passant par la petite trappe, non par la grande porte, et de nous plonger dans un long et tortueux labyrinthe psychique.
C’est à travers cinq longs chapitres, pouvant être complété entre deux et trois heures chacun, que l’aventure se dessine. Nous y alternerons entre des passages dans le manoir de Derceto, véritable labyrinthe proposant des moments de répits et quelques énigmes, aux mondes cauchemardesques venu tout droit de l’univers de Lovecraft, s’ouvrant alors sur des environnements variés. Nous éviterons de trop nous étaler sur le sujet pour ne pas compromettre votre future expérience, car celle-ci se doit d’être vécue dans les meilleures conditions. Sachez toutefois que vous passerez la majeure partie de votre temps dans le manoir, et ce n’est pas une mauvaise chose tant la crainte de déclencher une hallucination sera palpable au fur et à mesure que vous avancerez dans l’histoire.
Malgré un début assez lent avec des personnages secondaires pouvant paraître sans vie et une histoire très floue au départ, retenez que tous les détails présents dans le jeu ainsi que leur exécution ont été placés pour une bonne raison. Rien n’est laissé au hasard et il vous faudra alors vous frayer un chemin entre les diverses créatures vous faisant face. Malheureusement pour vous, votre personnage n’est pas un athlète pouvant courir sur des centaines de kilomètres sans souffler ou porter des milliers de types de munitions sur lui. Vous êtes un type ordinaire, et cela se sent manette en main.
Ouvrir une porte n’a jamais été aussi difficile
Dans une industrie du jeu vidéo où nous avons l’habitude de contrôler des protagonistes pouvant tout faire, avoir la possibilité de jouer un simple humain fait plaisir à voir malgré les nombreuses frustrations qu’il nous a données. En effet, Edward Carnby est lent. Que cela soit pour courir, se tourner, viser ou encore effectuer une action comme taper au corps-à-corps. Ajoutez à cela le fait de n’avoir que peu de munitions sur soi, comme dans le jeu paru en 1992, et vous obtenez alors la recette parfaite pour faire paniquer nombre de joueurs face à une situation stressante. Mais pas de panique, il y aura toujours une solution pour éviter les problèmes, car vous pourrez alors jeter divers objets et ainsi éloigner les monstres vous faisant obstacle et, par la même occasion, vous économiserez des munitions.
Pour les joueurs ou joueuses n’étant pas friands de ce genre de gameplay, Pieces Interactive a pensé à vous en proposant plusieurs niveaux de difficulté allant du niveau facile à difficile ainsi que deux expériences de jeu appelé Moderne et À l’ancienne. Changeant drastiquement le niveau de vie des monstres, le mode Facile permet littéralement d’avancer sans même devoir vous cacher, là où le mode Normal, recommandé par le studio, apportera exactement ce qu’il vous faudra pour vivre une expérience Alone in the Dark parfaite. Concernant les deux modes d’expérience, le mode Moderne sera plus accessible lors de résolution d’énigmes ou encore dans les indications données sur la carte, vous affichant alors les lieux d’intérêt ou alors ceux pouvant être déverrouillés. Si vous êtes plutôt vieux jeu, le mode À l’ancienne enlèvera alors tous ses ajouts et vous laissera seul avec votre petite lampe de poche, votre carte à compléter et l’ensemble des ouvrages à lire.
Cette proposition du studio est un excellent hommage au premier opus et est une option fortement agréable pour celles et ceux souhaitant vivre l’expérience Alone in the Dark comme à l’époque de sa sortie, à vous perdre dans le manoir de Derceto jusqu’à en devenir fou. Et comme dans l’opus original une des mécaniques de gameplay les plus importantes réside dans la récupération des collectibles présent dans le jeu et surtout les ouvrages, livres et revues à lire et/ou à écouter. Car oui, l’ensemble des livres à trouver dans votre aventure sont extrêmement bien doublés, vous permettant alors de vous immerger complètement dans cette ambiance sombre et mystérieuse, mais aussi de résoudre les quelques énigmes bloquant votre avancée.
Mais que serait Alone in the Dark sans ses soupçons d’horreur et de tension qui avaient fait tout son charme lors de la sortie en 1992. Ouvrir une porte n’a jamais été aussi terrifiant, surtout lorsque celles-ci mettent du temps à s’ouvrir et à se refermer. Chaque passage menant à des pièces spécifiques du manoir de Derceto est séparé par d’innombrables portes, certaines se refermant toutes seules par magie derrière vous, d’autres demandant des clés pour pouvoir déverrouiller la pièce qu’elle renferme. Parfois, lorsque vous en ouvrirez une, sans penser que quelque chose risque d’arriver, vous avez des chances de basculer dans une version alternative cauchemardesque.
Aucune indication, ni même information ne sont alors amenées pour vous avertir de ce changement d’ambiance, même si vous n’avez pas eu le temps de trouver le nécessaire pour vous défendre. Si cela semble aléatoire dans les grandes lignes, le basculement de monde est totalement maîtrisé par le scénario avec, à chaque fois, une raison derrière cela. Toutefois, lors de votre aventure, vous tomberez sur un artefact vous indiquant certaines des destinations spécifiques cachées derrière des portes. À vous de résoudre les énigmes associées à celui-ci, occasionnellement à l’aide d’objets à collecter dans les nombreuses pièces du manoir, pour y accéder et alors tenter de comprendre le mystère qui se cache derrière votre enquête.
Tu n’es pas parfait, mais je t’aime quand même
Alone in the Dark de 2024 n’est pas ce qu’on peut appeler une claque graphique, pourtant, il a un certain charme avec des rendus de lumière très agréable, surtout dans le manoir. Et heureusement, car le manoir fourmille de détails. Que cela soit dans les armoires, les meubles, les drapés ou encore les différentes chambres des locataires. C’est lorsque l’on est transporté dans les mondes cauchemardesques que la direction artistique est la plus réussie, même si parfois inégale. Naviguant entre les racines, les marais ou encore les os d’anciens voyageurs dans des catacombes remplies d’eau, l’ambiance lumineuse et les couleurs sont de toute beauté. Mais derrière autant d’éloges se cache un gros problème : l’optimisation.
Ayant joué sur un ordinateur moyen de gamme, le jeu nous propose des paramètres élevés avec une fréquence d’image en illimité. Toutefois, nous avons rapidement dû configurer nous-mêmes les paramètres pour les baisser en moyen et jouer en 30fps. Sans cette modification, le jeu était injouable et saccadé lors de moments affichant de nombreuses particules de feuilles ou alors de cendres. Néanmoins, le studio précise qu’il est préférable de jouer en ayant installé le titre sur un SSD pour charger plus facilement les environnements et, sans doute empêcher ces nombreux ralentissements. Ajoutez à cela quelques bugs épars, mais pourtant très handicapants, comme le fait de rentrer trop rapidement dans une pièce bloquant notre personnage et nous forçant à redémarrer une ancienne sauvegarde. Le titre est globalement stable et n’affiche aucun accroc mis à part ça.
Passé les graphismes, il nous faut parler de l’atmosphère sonore. Pieces Interactive frôle la perfection en nous offrant des bruits très distincts et détaillés, tel de l’ASMR où nous pouvons entendre le cliquetis de l’horloge au loin ou le bruit de nos pas sur le plancher vieillissant du manoir. Un travail aussi important dans le son est fortement appréciable pour un titre jouant sur l’ambiance. Il nous est arrivé de sursauter juste en entendant une porte au loin se fermer alors que nous venions de l’ouvrir.
Dans la version du jeu que nous a fourni l’éditeur, équivalente à la version de précommande Digital Deluxe, nous avions eu la possibilité d’ajouter des filtres vidéos, altérant alors le rendu global du jeu. Nous pouvions alors alterner entre un rendu cinématique, sépia ou encore en noir et blanc. Mais celui qui nous a le plus marqué est sa version en 8bit, mixé au skin d’Edward Carnby du premier Alone in the Dark, avec des polygones bien visibles. En soi, cet ajout est purement cosmétique et fera plaisir aux nostalgiques, mais il démontre une nouvelle fois l’attention portés aux détails détails de la part du studio, mais aussi le respect du matériau original, là où certains remakes font l’exact opposé en dénaturant complètement la licence. Dommage que le reste du jeu ne soit pas alors altéré en 8bit, comme l’ATH qui reste avec l’affichage du remake.
Avant de conclure ce long chapitre sur le jeu de Alone in the Dark, le studio propose, gratuitement, de découvrir le prologue du jeu en incarnant Grace dans le simplement intitulé Grace in the Dark. Faisant avant tout office de teaser atmosphérique avant de découvrir Derceto du jeu original, il permet de se plonger davantage dans l’univers qu’amènera Alone in the Dark, bien avant qu’Edward et Emily arrivent. Jeremy Hartwood, ici encore présent dans les lieux, demandera à Grace, une mystérieuse petite fille que vous découvrirez durant votre aventure, de l’aider à faire une chose simple : remettre la fameuse lettre à sa nièce, Emily Hartwood. Alors, si vous hésitez encore à vous procurer Alone in the Dark, nous vous recommandons de tester Grace in the Dark. Il ne dure que 10 minutes et reprend exactement l’ambiance ainsi que le gameplay du titre final.
Verdict : 8/10
Difficile de remettre au goût du jour le père du survival-horror, et pourtant, le studio Pieces Interactive y arrive et nous propose ici un hommage totalement bluffant, nous transportant dans un univers cauchemardesque à la sauce Lovecraftienne. Bien qu’en deçà des mastodontes graphiques du moment, Alone in the Dark arrive à imposer son rythme ainsi que son atmosphère pour nous convaincre de plonger pleinement dans son univers lugubre et terriblement intriguant. Proposant un temps de jeu d’environ une dizaine d’heures, le titre saura vous combler, que vous soyez ou non amateur du genre. Pour les fans de la première heure, vous serez ravis de pouvoir retrouver le manoir de Derceto parfaitement retranscrit et modélisé, reprenant parfois les plans originaux de la version de 1992 et dissimulant des clins d’œil à celui-ci. Malgré quelques petits bugs et des soucis d’optimisation, Alone in the Dark est le jeu d’horreur/suspense du moment à ne surtout pas manquer. À votre tour, attrapez vos lampes, avancez à tâtons dans les sombres couloirs de Derceto et percez le mystère qui plane autour du manoir.
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