Avec la Capcom Fighting Collection 2, l’éditeur japonais continue de célébrer son glorieux héritage arcade en exhumant une nouvelle salve de classiques du versus fighting. Après une première compilation sortie en 2022, cette suite mise sur une sélection plus pointue, parfois inattendue, pour raviver la flamme chez les vétérans et piquer la curiosité des néophytes. Entre licences oubliées et titres cultes revisités, Capcom joue ici la carte de la nostalgie, mais aussi de la conservation vidéoludique.
Test réalisé sur PC à l’aide d’une copie envoyée par l’éditeur / ©CAPCOM ©︎SNK CORPORATION ALL RIGHTS RESERVED
Le Clash des Titans
La collection regroupe huit nouvelles perles du catalogue de Capcom. On y retrouve notamment Rival Schools 2, alias Project Justice, Plasma Sword: Nightmare of Bilstein, Power Stone 1 & 2, ou encore les deux volets de Capcom vs SNK, tous remis au goût du jour avec un mode en ligne, du training et des options de confort modernes (différents modes d’affichage, versions anglaise ou japonaise des jeux, choix de l’équilibrage, etc). De quoi ravir les puristes tout en offrant une porte d’entrée accessible à une nouvelle génération de joueurs. Une compilation, à notre goût, plus audacieuse que la précédente qui, bien qu’elle mettait la saga Darkstalker sur le devant de la scène, comportait des titres à l’intérêt bien plus discutables, tels que Red Earth ou Hyper Street Fighter II, version Rainbow du jeu mythique de Capcom.
Capcom vs SNK 2 (CvS2) et Project Justice, sont assurément les joyaux de cette compilation – non seulement pour leur qualité intrinsèque, mais aussi pour leur rareté et leur importance historique. Lorsqu’il sort en 2001, Capcom vs SNK 2: Mark of the Millennium représente l’apogée du rêve crossover entre les deux géants du versus fighting japonais. Après un premier épisode prometteur mais limité, cette suite explose les compteurs avec un roster pléthorique (plus de 40 personnages), un système de jeu extrêmement riche, et une ambition clairement affichée : être le point culminant des jeux de baston 2D de l’époque. Il sort d’abord en arcade, puis sur Dreamcast, PlayStation 2 et GameCube, mais reste longtemps confiné à ces supports, sans portage moderne digne de ce nom. Sa réapparition dans cette collection est donc un événement majeur, réclamé de longue date par la communauté.
Sur le plan du gameplay, CvS2 est une œuvre dense et exigeante. Il propose six grooves, inspirés des systèmes de jeu des séries Street Fighter/Darkstalker, King of Fighters ou Samurai Shodown, permettant aux joueurs de choisir entre des mécaniques variées (parry, Just Defend, charge de super, cancel, etc.). Ce système offre une profondeur stratégique énorme. Le jeu reste cependant accessible pour les novices grâce à une prise en main immédiate et un rythme fluide. L’adaptation ici est irréprochable : l’émulation est propre, les contrôles sont précis, et la compilation nous laisse le choix de jouer à la version arcade dite Standard, ou bien à la version console via le mode EO sélectionnable dans les options du jeu. Malheureusement, il ne nous a pas été donné l’occasion de tester le online (pour aucun des jeux d’ailleurs), les serveurs n’étant pas encore ouverts au grand public et le nombre de testeurs limité, rendant la chose ardue. Néanmoins, c’est un monument qui reprend vie dans d’excellentes conditions.
Project Justice est l’un des jeux les plus méconnus mais le plus aimé de la sphère Capcom. Sorti initialement sur NAOMI en arcade puis sur Dreamcast, il n’a jamais eu droit à une sortie sur les consoles récentes jusqu’à cette collection. Il prolonge l’univers unique de Rival Schools, ce melting-pot de baston, d’esthétique shonen et de drama lycéen, qui avait déjà marqué les esprits à la fin des années 90. Capcom y développe une identité narrative forte, avec des personnages charismatiques et une mise en scène presque théâtrale pour un jeu de combat. Côté gameplay, Project Justice pousse encore plus loin le concept d’affrontements en équipe avec une mécanique de 3 vs 3 – mais, contrairement à un Marvel vs Capcom, les coéquipiers interviennent de manière ponctuelle (assists, attaques combinées, counters). Le système est très dynamique, accessible sans être simpliste. Chaque personnage a son style bien défini, et le jeu jongle habilement entre tactique, fun et mise en scène. Le portage bénéficie d’un framerate stable, d’un affichage soigné et d’un temps de chargement réduits. Seul bémol : l’absence des mini-jeux ou des éléments de simulation présents dans la version japonaise complète, mais c’est un plaisir rare de retrouver ce bijou dans une collection moderne.
Une sélection éclectique
Parmi les titres secondaires de cette Capcom Fighting Collection 2, plusieurs jeux méritent un détour, ne serait-ce que pour la variété qu’ils apportent au sein de l’ensemble. Street Fighter Alpha 3 Upper s’impose comme l’un des plus solides du lot. Version enrichie de l’épisode culte de 1998, il embarque de nouveaux personnages issus des versions console tout en conservant l’équilibrage arcade, mais en corrigeant le bug du Crouch Cancel, rendant impossible les combos infinis de l’itération précédente – sachez tout de même que le Crouch Cancel peut-être activé via les options du jeu. Toujours aussi nerveux, profond et accessible grâce à son système à trois styles de combat, il bénéficie ici d’un portage sans accroc. Pourtant, sa présence rappelle aussi une absence criante : celle de Street Fighter Alpha 2 Gold, ou Zero 2 Dash au Japon, version affinée et très appréciée de Alpha 2, qui aurait complété avec logique et élégance ce pan de la série.
Plus marginal, Plasma Sword: Nightmare of Bilstein illustre les expérimentations 3D de Capcom à l’époque Dreamcast. Suite directe de Star Gladiator, il séduit par son esthétique audacieuse et ses personnages excentriques, mais pêche par un gameplay encore trop imprécis, avec des combats manquant de lisibilité et d’impact. L’intérêt de ce portage repose surtout sur sa valeur historique, tant il symbolise une époque où Capcom cherchait à s’affranchir des canons du versus traditionnel. Dans un registre plus léger, Power Stone et Power Stone 2 injectent une bonne dose de fun immédiat. Avec leur format de combat en arène, leur dynamique de jeu proche du party game et leur direction artistique colorée, ils offrent une pause rafraîchissante au milieu des affrontements plus sérieux. Le premier est plus tactique, limité à deux joueurs, tandis que le second embrasse le chaos à quatre avec objets et transformations à gogo.
Enfin, Capcom Fighting Evolution fait figure d’intrus. Censé être un crossover célébrant les grandes licences de la firme, le jeu manque cruellement de cohérence, d’ambition et de finition. Chaque personnage conserve les mécaniques propres à sa série d’origine, ce qui déséquilibre lourdement l’ensemble, d’autant que le jeu recycle allègrement des sprites et animations déjà vus ailleurs. L’ajout de ce titre est difficile à justifier, surtout lorsqu’on considère qu’il prend la place d’un Alpha 2 Gold bien plus attendu. En l’état, c’est une inclusion purement archivistique, que seuls les complétionnistes les plus acharnés sauront excuser.


La Capcom Fighting Collection 2 souffre finalement de très peu de véritables défauts. Les bémols relèvent davantage de détails que de véritables manquements : les modes d’entraînement, bien que présents pour chaque jeu, se révèlent assez sommaires et classiques, loin de la richesse et de la pédagogie exemplaire proposées par Street Fighter 6. Un petit mode défi dédié à certains des titres les plus compétitifs aurait également été le bienvenu, afin de mieux appréhender leurs systèmes de jeu parfois exigeants. En revanche, fidèle à sa tradition, Capcom assure sur les fonctionnalités multijoueur, avec un mode versus local complet, mais aussi la possibilité de s’affronter en ligne via des parties classées, casual ou en salon. Si nous n’avons pas encore pu tester l’infrastructure online, il y a peu de raisons de s’inquiéter au vu du sérieux affiché sur la première compilation, qui proposait déjà une expérience en ligne stable et réactive grâce au rollback netcode.
Verdict
Avec Capcom Fighting Collection 2, l’éditeur répond enfin à une attente de longue date en ressuscitant Capcom vs SNK 2 et Project Justice, deux titres cultes longtemps restés inaccessibles sur les machines modernes. Plus ambitieuse et séduisante que la première compilation, cette sélection marque également une ouverture bienvenue vers la 3D, avec des jeux comme Power Stone ou Plasma Sword, là où Capcom s’était jusqu’ici cantonné aux classiques 2D. Si certains choix restent discutables, l’ensemble dégage une vraie richesse et une volonté de diversité qui devraient satisfaire autant les nostalgiques que les curieux. À deux ans du 40ème anniversaire de Street Fighter, cette initiative sonne comme un prélude prometteur à ce que Capcom pourrait nous réserver pour célébrer son héritage le plus emblématique.
Les +
- Les deux volets de Capcom vs SNK et Project Justice pour la première fois sur supports modernes
- Du training et du online avec rollback netcode pour tous les titres
- Le choix entre les versions américaines et japonaises pour chaque jeu
- Certains titres comme Capcom vs SNK 2 vous laisse choisir entre l'équilibrage Arcade et Console, tandis que Project Justice vous donne la possibilité d'exploiter un bug réservé à Kyosuke pour le fun
- Une sélection variée, Power Stone 1 et 2 faisant plus offices de Party Games
- Les OST en version originale ou remastérisée
Les -
- Capcom Fighting Evolution, le choix le plus discutable de la collection, on aurait préféré Street Fighter Alpha 2 Gold
- Le mode training un poil sommaire