TEST Cronos: The New Dawn : Telle est notre vocation

Après avoir marqué les esprits avec Layers of Fear ou encore le remake de Silent Hill 2, le studio polonais Bloober Team prend un virage audacieux avec Cronos: The New Dawn. Exit l’horreur psychologique pure, place à un survival horror rétrofuturiste s’inspirant des plus grands comme Resident Evil, Dead Space et The Thing. Bienvenue dans ce cocktail mystérieux, dans une Pologne des années 80 dévastée par un étrange virus qui cache bien des secrets.

Test réalisé sur PS5 à l’aide d’une version numérique envoyée par l’éditeur

Un voyage dans le passé pour sauver le futur

Habitué au genre sci-fi post-apocalyptique via des séries comme Silo ou encore Dark, Cronos: The New Dawn s’inscrit parfaitement dans l’air du temps. Bloober Team signe un tout nouvel univers aussi intriguant que terrifiant, et cela, dès les premiers trailers de présentation en octobre 2024. Dès les premières secondes, nous sommes happés par son ambiance, son esthétique rétrofuturiste et son atmosphère étrange et morbide. Lorsque l’on pose enfin les mains sur le titre, difficile de ne pas rester indifférent. Ainsi commence notre aventure sur Cronos: The New Dawn, où l’histoire se développe autour d’une simple idée : et si l’humanité pouvait être sauvée en revenant en arrière ?

Le jeu s’ouvre sur une succession d’images en found footage, présentant la chute de notre monde écrasé par un cataclysme connu sous le nom de The Change. Un fléau, invisible, qui se propage comme une épidémie incurable. On est ainsi rapidement mis dans le bain, rappelant la période du Covid où chacun devait rester chez soi. Ici, les premiers symptômes privent les infectés de leur vue avant de les plonger dans une transe morbide où les corps s’agrègent, se fusionnent, donnant naissance à ce que l’on appellera des Orphelins. Des silhouettes informes, mi-humaines mi-monstres, qui arpentent les ruines d’un monde où l’humanité n’existe plus que sous forme de souvenirs.

C’est dans ce contexte que l’on incarne un Voyageur, membre d’une organisation mystérieuse appelée le Collectif, s’écrasant dans notre monde désolé avec l’objectif de retrouver un confrère en mauvaise posture. Dans un ton très froid, presque protocolaire, on nous explique le rôle des voyageurs : celui de traverser des failles temporelles reliant ce futur brisé à celui des années 1980, précisément dans le quartier de Nowa Huta en Pologne. En effet, le Collectif pense que l’avenir peut encore être sauvé en préservant certaines vies-clés du passé. Des individus, voués à disparaître lors du Changement, détenant une Essence, une énergie vitale que l’on doit extraire grâce à l’outil appelé Harvester. Envoyé dans une mission qui devrait être des plus classiques de collecte, quelque chose ne se passe pas comme prévu, remettant doucement en question le rôle du Collectif.

Transporter ces Essences n’est pas sans conséquence : le Voyageur se retrouve peu à peu hanté par des voix, des hallucinations et une altération progressive de sa perception du réel. La frontière entre sauver et sacrifier devient floue. Car en arrachant ces fragments d’âme à leur époque, le Collectif manipule non seulement l’histoire, mais aussi l’esprit de son agent. Ce qui frappe, en dehors de la mise en scène incroyable et la manière d’expliquer l’histoire à travers des mots du passé laissés ici et là, c’est la double temporalité du récit. On alterne ainsi entre un futur post-apocalyptique et une Pologne des années 80, entre blocs de béton et atmosphère pesante de la Guerre froide. Deux époques que tout oppose, mais que Bloober relie habilement, tissant un récit sur la mémoire collective, les regrets et l’idée de rédemption.

Sans trop en révéler, ce qui gâcherait énormément la surprise, l’histoire de Cronos n’est pas qu’une lutte contre des monstres, mais aussi une réflexion sur ce que l’on est prêt à détruire pour préserver l’avenir. Sauver l’humanité… oui. Mais à quel prix ?

Quand prendre une décision peut être fatale

À l’image de ses inspirations citées dans l’introduction, Cronos: The New Dawn propose un gameplay volontairement lourd et pesant, conçu pour nous mettre dans un état de vulnérabilité permanente. Ici, pas de surpuissance ni de surenchère explosive : la survie se joue à l’économie, et chaque erreur se paie au prix fort. Vous l’aurez compris, le jeu repose donc sur une gestion constante des ressources. Les munitions ne sont pas infinies, les trousses de soins limitées et l’inventaire possède trop peu de place pour avoir le luxe du choix. Nous serons ainsi poussés à peser chaque action avant toute exploration : vaut-il mieux affronter ce groupe d’Orphelins, quitte à gaspiller des balles, ou tenter de les éviter en risquant une embuscade plus loin ? Ce sentiment d’insécurité permanente fait la force du jeu, mais peut aussi frustrer les plus néophytes du genre.

L’arsenal, quant à lui, se veut relativement classique, mais efficace. On retrouve le trio habituel pistolet – fusil à pompe – arme de mêlée, mais la présence du lance-flammes devient centrale, presque iconique, tant il conditionne notre survie. À cela s’ajoute le Harvester, outil étrange permettant d’aspirer l’Essence des individus-clés du passé. En plus de sa fonction narrative, il ajoute une nouvelle mécanique : la manipulation de ces Essences confère de nouveaux pouvoirs, mais intensifie les visions et les symptômes psychiques du Voyageur. Un double tranchant qui nous donne la sensation de gagner en puissance tout en sombrant lentement dans la folie. 

Les combats, donnant parfois la sensation d’être un peu simples, assument leur rythme lourd avec une visée volontairement peu souple, accentué par l’utilisation du retour haptique et des animations parfois rigides. Certains y verront un manque de modernité, d’autres apprécieront cette inertie qui rappelle l’âge d’or du survival horror des années 2000. Car c’est bien là le pari de Bloober : renouer avec une époque où l’angoisse venait moins de la rapidité d’exécution que du poids des gestes et des limites imposées au joueur. Pour corriger ainsi ces quelques désagréments de manque de précision, il faudra améliorer son équipement avec, encore une fois, des ressources rares à collecter. Choisir quoi améliorer, que modifier, deviendra un autre dilemme à résoudre pour avancer plus sereinement dans des environnements toujours plus hostiles.

Mais la mécanique la plus marquante reste sans doute celle sur le devenir des ennemis. Une fois un Orphelin abattu, son cadavre ne reste pas inerte. Si vous ne prenez pas la peine de le brûler, il peut être absorbé par d’autres créatures encore vivantes, créant un monstre hybride, plus agressif et plus résistant. Ce simple détail change radicalement la façon d’aborder les combats. Ainsi, tirer dans le tas ne suffit pas : il faut penser à l’après, à l’état du terrain, à vos ressources restantes. Et quand vos réserves d’essence inflammable sont limitées, que vos munitions sont rares, chaque affrontement se transforme en dilemme. Cela est d’autant plus vrai lors de combat de boss, mettant à rude épreuve votre résistance à la peur ainsi que votre préparation avant l’affrontement.

Heureusement, Cronos ne se limite pas qu’aux affrontements. L’exploration tient ici une place importante, ponctuée d’énigmes environnementales et de zones semi-ouvertes qui récompensent l’observation. Le jeu nous invite à fouiller chaque recoin, à collecter chaque document et enregistrement, renforçant son lore qui s’apprécie autant par ses textes, son audio que par ses décors. En somme, Cronos: The New Dawn offre un gameplay exigeant, parfois punitif, mais qui assume sa philosophie : transformer la moindre avancée en victoire fragile et chaque combat en cauchemar stratégique.

Derrière la brume se cachent de belles surprises

Si Cronos: The New Dawn frappe aussi fort, ce n’est pas forcément par son gameplay un peu réchauffé, mais c’est en grande partie grâce à son esthétique. Bloober Team a fait le choix audacieux de situer une grande partie de son récit dans la Pologne des années 1980, et plus particulièrement à Nowa Huta, quartier industriel connu pour son urbanisme brutaliste. Résultat : nous obtenons une direction artistique qui s’éloigne des clichés habituels du survival horror pour embrasser une identité froide, grise et imposante.

Les blocs de béton massifs, les usines désaffectées, les rues désertes et les appartements soviétiques délabrés deviennent autant de terrains de jeu pour la peur. Là où d’autres titres misent sur des manoirs gothiques ou des vaisseaux spatiaux high-tech, Cronos assume son esthétique ouvrière et réaliste, appuyé par des récits étrangement humains, ce qui rend chaque environnement d’autant plus oppressant. Le futur post-apocalyptique, lui, adopte un style rétrofuturiste marqué par des néons défaillants, des brumes épaisses et des structures métalliques écrasantes rappelant Blade Runner.

Visuellement, le jeu cultivera ce contraste entre le froid clinique des bâtiments et de notre personnage et l’organique abject avec ses créatures difformes. Ce mélange permanent entre béton et chair, structure et corruption, incarne parfaitement le thème central du jeu : un monde rationnel et contrôlé, englouti par une horreur qui ne l’est pas. Le tout sera magnifié par l’absence d’HUD, nous permettant de profiter entièrement des décors proposés. Côté audio, Bloober confirme son savoir-faire. L’ambiance sonore est ici un élément central de l’expérience, et Bloober le sait en nous conseillant fortement de jouer avec un casque audio. Les pas résonnent sur le béton, les échos métalliques donnent l’impression d’être suivi, et chaque grognement d’Orphelins se perçoit avant même de voir la créature. La spatialisation du son est tout bonnement époustouflante, que cela soit dans un casque ou en sortie de manette, nous permettant d’identifier correctement la position des monstres seulement avec les bruits qu’ils provoquent.

Au niveau de la bande-son, celle-ci alterne entre touches de synthé et envolées plus orchestrales, renforçant l’aspect rétrofuturiste tout en rappelant des sonorités des années 80. Toujours placée au bon moment, quelques notes suffisent à installer cette angoisse sourde, et l’absence de musique dans certains couloirs accentue encore notre paranoïa. À cela s’ajoutent des choix surprenants : un chat ronronnant au détour d’une pièce venant offrir un étrange moment de réconfort, ou encore les bruits mécaniques d’une station de sauvegarde placée par un ancien Voyageur. En combinant ainsi une direction artistique marquante, un sound design incroyable et un game design aux petits oignons, Cronos: The New Dawn se distingue de ses inspirations pour nous offrir une aventure unique. Plus qu’un simple survival horror, il nous propose une plongée dans une esthétique rarement exploitée chez les maîtres du genre, où chaque mur de béton, chaque note synthétique et chaque choix spatial deviennent des vecteurs de peur.

Rarement, nous avons eu envie de revenir parcourir ses ruines avec l’objectif de comprendre ce qui se cache derrière cet univers. S’il y a bien un défaut à faire sortir de cette expérience, cela concernerait sans doute sa durée de vie, qui dépend de la résistance à la peur de chacun. Pouvant être complété en 16 heures, nous avons mis un peu plus de 20 heures pour terminer notre périple sans pour autant avoir tout fouillé. Une durée de vie raisonnable qui nous laisse un arrière-goût de trop peu, tant l’ambiance proposée nous happe de la première jusqu’à la dernière seconde.

Verdict

Bloober Team signe ici un survival horror aussi exigeant que marquant. Sa narration ambitieuse, portée par un univers dystopique et une double temporalité, nous a captivés autant qu’elle nous a déstabilisés. Son gameplay lourd et punitif divisera sûrement, mais l’équipe assume pleinement son héritage des grands classiques du genre, tout en apportant des mécaniques originales qui renforcent la tension. Ajoutez à cela une direction artistique brute et oppressante, un sound design chirurgical et un game design efficace et vous obtenez une expérience unique, mémorable, mais parfois éprouvante. Cronos: The New Dawn n’est pas un jeu pour tout le monde. Il rebutera ceux qui recherchent l’action immédiate ou un rythme plus moderne. Mais pour les amateurs de survival horror pur à l’ancienne, qui aiment se sentir vulnérables et réfléchir à chaque décision, il s’impose comme une œuvre à part. Capable de vous fasciner et de vous hanter bien après la manette posée.

90/100
Score total iIl s'agit d'une appréciation générale du jeu de la part du testeur et non d'une note à proprement parler.

Points forts

  • Une esthétique incroyable
  • Une ambiance époustouflante
  • Un gameplay à l'ancienne
  • Une narration intriguante
  • Un travail sonore de grande qualité

Points faibles

  • Un peu trop cryptique
  • Pas de niveau de difficulté
  • Un peu lourd pour les moins habitués
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