Il aura fallu attendre près de 5 ans pour voir débarquer la suite directe de Deus Ex: Human Revolution. Sorti en 2011 dans nos vertes contrées, le jeu abordait le sujet du transhumanisme. Grâce à des biotechnologies nommées augmentations, les humains peuvent désormais transcender leurs capacités et réaliser des prouesses inimaginables sans cela. Mais comme pour toute nouvelle technologie, celle-ci a posé de nombreuses questions éthiques qui ont mené certains opposants à manifester leurs idéaux. Notre héros, Adam Jansen, est l’un de ces augmentés en quête de vérité. Une vérité qu’il recherche toujours, dans un monde divisé où humains et augmentés se craignent les uns les autres. Récit d’un jeu d’anticipation, où science-fiction et cyberpunk se côtoient pour le meilleur, mais jamais pour le pire.
Test réalisé sur PS4 à partir d’une version éditeur
De la révolution à la division
Si vous demandez à des joueurs avertis quels sont les jeux qui les ont le plus marqués, il y a de fortes chances pour que parmi leurs réponses se trouve Deus Ex, premier du nom. Edité par Eidos à l’époque, le jeu de Warren Spector et Harvey Smith a profondément marqué les esprits. Les critiques dithyrambiques sont sans appel, certains le considérant comme l’un des meilleurs jeux qui soient. Pourtant, il faudra presque 10 ans au titre pour dépasser le million d’exemplaires vendus. Alors, après un second épisode en demi-teinte, Square Enix a repris le flambeau, en laissant Eidos Montreal redorer le blason d’une licence qui avait tout pour plaire. Le résultat fut un Deus Ex: Human Revolution fort convainquant, nous mettant dans la peau d’un nouveau personnage charismatique.
Et puisqu’il serait dommage de changer une recette qui fonctionne, Deus Ex: Mankind Divided nous plonge une fois de plus dans la peau d’Adam Jansen. Deux ans ont passé depuis les terribles événements dépeints à la fin de Human Revolution, et depuis lors, le monde a subi d’immenses bouleversements. Si le précédent opus introduisait un climat social perturbé, opposant les organiques aux augmentés, on sent que l’on a passé ici le stade des simples tensions. En tant qu’augmenté, on se rend très vite compte de l’atmosphère anxiogène qui règne dans les rues de Prague, principal terrain de jeu de notre protagoniste. À tous les coins de rues, des PNJ nous rappellent notre condition d’être mi-humain, mi-machine, que ce soit à travers des insultes ou un profond mépris. Les augmentations qui pouvaient faire rêver l’humanité deux ans auparavant sont devenues un véritable cauchemar pour l’humanité qui vit dans la peur qu’un événement similaire à celui qui s’est produit à la fin de Human Revolution survienne à nouveau.
L’accent est mis sur le malaise social, les augmentés vivent en parias et sont à deux doigts de se voir entasser dans des ghettos qui leur seraient consacrés. Les innombrables demandes de permis de passage par une police sur les dents, prête à faire feu sur toute personne possédant la moindre once de biotechnologie traduisent bien la gravité de la situation. Et ce ne sont pas les attentats mis sur le dos de la Coalition pour les Droits des Augmentés (CDA) qui vont améliorer les choses. Notre héros se retrouve donc obligé de mener un double jeu afin de lever le voile sur ce tout ce que l’on ne dit pas à l’humanité. Officiellement, Adam Jansen est un agent de la Task Force 29, une branche d’Interpol spécialisée dans la lutte antiterroriste. Mais officieusement, il travaille pour le collectif Mastodonte, un groupe de cyber-terroristes. Cette double-vie amènera donc le joueur à effectuer des missions dans chacun des deux camps, un peu comme si notre protagoniste s’improvisait James Bond du futur.
Action ou infiltration, il faut choisir
Deus Ex: Mankind Divided propose un gameplay hybride, à l’instar de son prédécesseur, nous laissant le choix de l’approche à employer. Le message envoyé par les développeurs est clair, ces derniers veulent laisser le joueur décider du chemin qu’il prendra. Malheureusement, il reste toujours très compliqué de jouer de façon directe. Bien que l’on soit un augmenté disposant des meilleures technologies dans ce domaine-là, il ne sera pas rare de succomber dans un assaut vainement lancé. Notre personnage semble toujours très fragile, et c’est un point qui avait été souligné lors de la sortie de Human Revolution. En sa qualité de FPS, on serait en droit d’attendre un jeu faisant uniquement la part belle à l’action, si tel est notre choix. Et même si dans le fond, il est tout à fait possible de laisser parler la poudre, il est assez difficile de suivre cette voie. Généralement, le nombre d’ennemis dans la zone, ou des munitions présentes en trop petit nombre dans l’inventaire, seront les facteurs qui vous pousseront à miser sur la discrétion dans de nombreux cas.
Ceci étant dit, l’action n’est pas pour autant délaissée puisqu’il sera parfois impossible de faire autrement que de dégainer son arme. Et que ce soit dans ce cas de figure, comme dans le cas d’une approche moins directe, on apprécie grandement le système de couverture qui a largement été revu et s’avère être bien plus intuitif. Une fois planqué derrière un élément du décor, on peut alors d’une simple pression sur la touche X courir furtivement vers n’importe quel autre élément se trouvant dans notre champ de vision. Pratique, d’autant que l’infiltration reste malgré tout la solution la plus efficace pour atteindre nos objectifs, qu’il s’agisse d’une cible à éliminer (ou à laisser en vie, selon votre crédo) ou d’un objet à récupérer. Mais dans l’ensemble, on apprécie le fait de pouvoir avoir plusieurs cheminements possibles, quel que soit la façon dont on souhaite aborder le jeu. Ainsi, même en jouant la carte de l’infiltration, on aura toujours plusieurs passages à disposition, pour peu que l’on prenne le temps d’étudier l’environnement. Vous l’aurez compris, les bouches d’aération sont vos amies, n’ayez pas peur d’en user et d’en abuser.
Enfin, s’orienter vers l’action pure ne signifie pas pour autant faire régner la mort. Puisque pour chaque arme, il existe plusieurs types de munitions, il est tout à fait possible de choisir des balles non létales afin d’assommer simplement vos cibles. Sans avoir à passer par le menu pause, on peut changer le type de balles à utiliser mais également modifier les accessoires présents sur l’arme en question, comme ajouter un silencieux. Cela évite de devoir faire appel à l’inventaire à chaque fois, même si ce dernier reste assez intuitif. Pas de véritable surprise concernant ce dernier puisque l’on retrouve le système de quadrillage sur lequel on place nos armes et objets de la façon la plus optimale possible. En revanche, il est parfois long de repérer les différents objets présents, notamment lorsqu’il s’agit de consommables, de grenades ou encore de mines. Les menus rapides, prennent alors tout leur sens en offrant une meilleure fluidité dans la façon dont on utilise notre arsenal. Récupérer de la vie et de l’énergie ne prendra que quelques instants, et ce, même lorsque l’on se retrouve sous le feu ennemi.
Can’t kill progress
Les premières décisions concernant notre style de jeu se prennent dès le début de l’aventure, lorsqu’Adam Jansen se voit proposer une approche létale ou une approche plus discrète pour l’assaut qui ouvrira le jeu. Rassurez-vous, ce choix ne conditionnera en rien le reste du jeu, mais d’autres décisions, elles définitives, seront de la partie. Ainsi, cette mission initiatique se déroulant à Dubaï permet de se réapproprier le système de jeu ainsi que les commandes et s’avère donc par conséquent, peu passionnante. C’est une fois la première heure de jeu passée que Deus Ex: Mankind Divided dévoile tout son potentiel, que ce soit scénaristiquement parlant, comme en termes de jouabilité.
Puisque le jeu se déroule dans un futur où les biotechnologies sont devenues monnaie courante, Deus Ex: Mankind Divided offre un vaste panel d’augmentations qui deviendront des alliées incontournables lors des missions. Leur nombre a été revu à la hausse depuis Human Revolution, et elles peuvent s’adapter à tout style de jeu. En effet, certaines sont clairement à utiliser dans une approche offensive, tandis que d’autres misent sur un style de jeu beaucoup plus subtil. On pense notamment au composant d’amplification sociale qui vous permettra de mieux cerner les protagonistes avec lesquels Adam Jensen engagera la conversation ou encore le camouflage Glass-shield. Si dans l’ensemble, les augmentations seront surtout utiles en combat, il ne faut pas négliger l’aide que pourront apporter certaines sur le long terme et de façon indirecte.
Ainsi, en sa qualité de FPS hybride aux composantes RPG, le jeu gratifie les actions que l’on peut effectuer par des points d’expérience. Cela va de la zone passée sans se faire repérer, aux simples headshots. Tout est bon pour grappiller quelques précieux points qui permettront à Adam de monter en niveau. Et là où ça devient intéressant, c’est que chaque niveau passé offre quelques points praxis à dépenser afin de s’offrir de nouvelles augmentations. Car, malheureusement, il est impossible de récupérer sa sauvegarde du précédent opus. Ceux qui pensaient commencer l’aventure avec un personnage possédant presque l’intégralité de ses augmentations devront tirer un trait sur leurs plans. Le scénario explique d’ailleurs cela de façon cohérente, et c’est probablement là sa plus grande force.
Deus ex machina
La qualité d’écriture de Deus Ex: Mankind Divided est tout bonnement remarquable, au même titre que l’univers terriblement riche. Que ce soit dans ses lignes de dialogue, comme au travers des ebooks, emails et autres journaux numériques que l’on trouvera ici et là au fil de notre aventure, tout est pensé pour rendre l’ensemble le plus pertinent possible. Les personnages sont creusés, ont une véritable histoire, un caractère qui leur est propre et avec lequel il faudra composer si l’on se prend à collaborer avec eux. Étrangement, on pourrait se sentir perdu dans tout ce raz-de-marée d’informations qui surviennent par le biais de différents moyens. La radio et la télévision sont également des médias qui profitent à l’histoire et la rendent toujours plus crédible. À vrai dire, nous n’en attendions pas tant, même si Human Revolution avait su placer la barre très haute à sa sortie.
Et c’est toujours un plaisir de faire la connaissance de nouveaux protagonistes au travers de dialogues, parfois un peu longs, mais toujours bien rythmés. Ces derniers tendent parfois plus vers la joute verbale, notamment lorsqu’il s’agira de convaincre votre interlocuteur. Plus tôt, nous évoquions le composant d’amplification social en tant qu’augmentation de premier choix pour tout joueur qui désire faire couler le moins de sang possible. Sachez qu’on vous recommande d’en faire l’acquisition dès le début tant ce précieux outil vous permettra de mieux mener les dialogues, tout en analysant le comportement de celui ou celle avec qui vous discuterez. Et il n’est pas de sentiment plus gratifiant que celui d’avoir su employer les bons mots afin de tourner la conversation à votre avantage.
Un gameplay élaboré, un univers pertinent, une histoire riche et intéressante… Deus Ex: Mankind Divided semblait tout avoir pour lui, ou presque. C’était sans compter un aspect technique daté. Visuellement, le jeu peut offrir de superbes panoramas, mais n’ira jamais plus loin que cela et s’avèrera très souvent en deçà de ce que la PS4 est en capacité de nous offrir. Hormis quelques visages plus travaillés que d’autre, on observe souvent des PNJ aux traits grossiers et des textures peu flatteuses. Pourtant, les éléments du décor ne manquent pas de détails, mais le tout aurait gagné à être peaufiné afin d’obtenir un rendu digne des blockbusters qui sortent aujourd’hui. La direction artistique oscillant entre SF et Cyberpunk permet malgré tout de sauver l’ensemble et reste dans cette idée de cohérence, avec un monde dense qui s’articule et prend vie de façon impressionnante.
Le manque de finition n’est pas tant un défaut en soi, mais nuit légèrement à une expérience de jeu assez inoubliable. Et si l’aspect graphique n’est pas des plus reluisants, la partie sonore pèche également de son côté, avec un mixage audio pour le moins perturbant qui tantôt offre des dialogues clairement audibles et des effets sonores peu envahissants, tantôt tout l’inverse avec des voix couvertes par tout le désordre causé par les musiques et les explosions. Le retour sonore des armes est quant à lui assez risible, donnant plutôt l’impression de jouer avec de vulgaires pistolets à billes et enlevant une certaine part d’immersion à l’action. Enfin, le doublage français nous a laissé pantois à plus d’un titre, avec des acteurs aux voix charismatiques, notamment pour le personnage principal, mais dont l’implication semble peu perceptible. Jamais vraiment dans le ton et manquant clairement de conviction, on a parfois de réels paradoxes entre une situation délicate et Adam Jansen qui continue de garder un ton des plus monocordes. Perturbant.
Heureusement, le voice-acting original est de meilleure facture, et on vous conseillerait presque d’opter pour ce dernier si les sous-titres du jeu n’étaient pas aussi étriqués lors des dialogues. Si cela ne gênera pas sur PC, grâce à la proximité entre le joueur et l’écran, sur console ce sera malheureusement une autre paire de manches. Concrètement, les défauts du titre font pâle figure face à ses qualités solides. Mais ce sont plusieurs points noirs qui ont finalement amenuisé à très faible dose un plaisir de jeu à son meilleur ainsi qu’une immersion rare.
Welcome to the Deus Ex Universe
Cerise sur le gâteau, Deus Ex: Mankind Divided n’arrive pas seul, si l’on puit dire, puisqu’il offre aux joueurs une sorte de mise en abyme du piratage, l’une des grandes composantes du jeu de base. Que ce soit comme dans cet opus ou dans Human Revolution, on est communément amené à pirater des ordinateurs et terminaux de sécurité afin de nous frayer un chemin vers notre objectif, récupérer quelques précieux objets, récupérer des informations ou encore avoir accès au contrôle des caméras de surveillance. Technologies avancées obligent, cela passe par une sorte de mini-jeu dans lequel il faut parvenir jusqu’au noyau sans se faire repérer. Et puisqu’une capture a vite fait de mal tourner et de lancer l’alerte, il existe des programmes afin de faciliter la tâche au joueur. Si l’impression d’être un pirate était présente, il est temps de franchir une nouvelle étape dans le domaine du hacking, qui prendra une forme bien particulière avec cette nouvelle déclinaison de la licence Deus Ex.
Ainsi, avec Deus Ex: Breach, Eidos étend l’univers du jeu et nous met dans la peau d’un hacker qui, à l’aide de la réalité virtuelle, devra capturer des informations pour le compte d’un groupe de hackers qui souhaite rendre publique tout ce que le gouvernement et les plus grandes puissances financières mondiales refusent de dévoiler. Si la forme change quelque peu ici, le fond restera peu ou prou le même puisque l’on y retrouve le même système de gameplay, avec cette fois-ci, la venue d’améliorations temporaires qui ne sont actives que le temps d’une mission.
Les augmentations sont donc toujours de la partie, et sont indépendantes de Mankind Divided. On y retrouve également les mêmes armes, et un dispositif ennemi relativement similaire. Entre gardes, tourelles et caméras, difficile d’être perdu dans Breach. Le plus grand changement résidera en fait dans la patte visuelle épurée de ce mode de jeu indépendant du scénario. Enfin, pas tout à fait, puisque l’on trouvera tout au long de l’histoire des puces Breach qui nous serviront dans le mode éponyme. Simple mode, ou véritable jeu à part entière, chacun définira cela comme cela le chante. Cependant, cela permet clairement d’approfondir l’expérience de jeu offerte par Deus Ex: Mankind Divided. Depuis quelques temps maintenant, les développeurs et Square Enix travaillent à ce qu’ils ont appelé le Deus Ex Universe, démontrant bien que la licence souhaite offrir bien plus que ce que l’on vit à travers les yeux d’Adam Jansen.
On appréciera ou pas, mais l’univers de Deus Ex est tellement riche, tellement vaste qu’il y a de bons filons à exploiter afin de doter ce puzzle de nouvelles pièces. Notre seul regret envers Breach concernera son gameplay finalement. On aurait apprécié quelque chose de plus orienté arcade, avec un gameplay faisant l’impasse sur les augmentations et autres bonus temporaires. Attention, il s’agit là plus d’une remarque subjective qu’autre chose, le gameplay est fourni, propose de nombreuses possibilités et c’est tout à l’honneur des développeurs d’avoir conçu quelque chose d’aussi solide. Mais la composante scoring de Breach nous conforte dans cette idée qu’il aurait peut-être gagné à être simplifié afin d’offrir une réelle alternative à l’aventure Mankind Divided. Quoi qu’il en soit, on ne peut qu’être impressionné par le travail abattu pour offrir aux joueurs un monde pertinent
Verdict : 9/10
Jamais avare sur la richesse de son univers, et encore moins sur la qualité de son écriture, Deus Ex: Mankind Divided propose une aventure longue et intéressante couplée à un gameplay hybride mais toujours aussi fouillé. Fièrement porté par le charismatique Adam Jansen qui reprend du service, il laisse parfois ses petits défauts prendre le pas sur ses nombreuses qualités, pourtant indéniables. Et son ouverture vers le Deus Ex Universe ne laisse présager que du bon pour une probable suite amorcée par une fin qui laissera plus d’un joueur dubitatif. Néanmoins le sujet du transhumanisme n’a jamais été aussi bien manié et à moins d’être insensible à la science-fiction et l’ambiance Cyperpunk omniprésente, il y a fort à parier que Mankind Divided marquera le monde vidéoludique, comme ont su le faire ses prédécesseurs en leur temps.
Riku
8 septembre 2016 at 10 h 27 mintu m’as tellement donné envie là !
Junan
9 septembre 2016 at 5 h 26 minVenant d’un fin connaisseur de la licence, je prends ça pour un compliment :3
Tu penses le faire bientôt du coup ?