Lancée en 1995, la série Tales of a soufflé ses 25 bougies l’année dernière et pour fêter cela dignement, un jeu ambitieux aurait dû sortir dans la foulée, à savoir Tales of Arise. Hélas, pour des raisons que l’on ne cite plus, le titre a été reporté et il n’est finalement disponible que depuis le 10 septembre 2021. L’attente fut longue pour les fans de la série puisque le dernier opus majeur, Tales of Berseria, date de 2017. Comme le dit le proverbe, tout vient à point à qui sait attendre et on peut le dire tout de suite, patienter pour Tales of Arise, ça en valait la peine.
Aux armes, citoyens
Avec Tales of Arise, on rentre rapidement dans le vif du sujet : suite à un conflit sans merci, la planète Rena domine celle de Dahna, sa voisine relativement proche. Grâce à leur technologie avancée et une armée redoutable, possédant en outre des monstres artificiels nommés Zeugles, les Reniens ont fait des Dahniens leurs esclaves et collectent leur énergie astrale dans un but égoïste. 300 ans plus tard, on découvre le personnage principal, Alphen, un homme amnésique qui porte un masque de fer qu’il ne peut retirer et il est insensible à la douleur, ce qui se révélera fort pratique par la suite. Alphen ne sait absolument rien de son passé et il subit malgré lui, comme tant d’autres personnes, le joug renien, ce qui le pousse à rêver de rébellion. Il tombe assez rapidement sur Shionne, une Renienne mystérieuse et froide sur les bords qui souhaite renverser les 5 seigneurs de Rena dominant chaque royaume dahnien. Si l’on ne sait pas grand chose d’elle au début, elle porte en elle une malédiction électrocutant gravement quiconque la touche. Suite à quelques péripéties, elle s’allie à Alphen et lui confie l’Épée ardente, arme surpuissante qui brûle sans arrêt son utilisateur mais pour notre héros, ce n’est pas spécialement un problème. Ensemble, ainsi qu’avec d’autres héros qui rejoindront leur équipe petit à petit, ils comptent libérer la planète.
À la lecture de ces quelques lignes, vous aurez remarqué que Tales of Arise n’échappe pas spécialement aux clichés, comme la plupart des autres opus de la série. Cependant, une histoire classique n’est pas un problème si le sujet est maitrisé et heureusement, c’est bien le cas ici. Alors oui, tout n’est pas idéal : certains événements sont prévisibles, gâchant l’effet de surprise et parfois, on a des développements de personnages pour le moins déroutants ou trop rapides, les poussant presque à contredire leurs convictions initiales. En dehors de cela, on a une aventure captivante sachant insuffler au joueur de la bravoure, de la tristesse, de la colère et d’autres sentiments à de multiples reprises avec justesse. L’humour est également présent mais sans en faire trop, ce qui évite de ne pas prendre la situation au sérieux. La découverte de chaque royaume de Dahna est un régal, chacun ayant ses différences politiques. Par exemple, dans le premier, les Dahniens sont exploités dans des travaux sous une chaleur infernal, bon nombre d’entre eux y succombent et le dirigeant local ne s’en soucie aucunement, de quoi comprendre le souhait de vengeance d’Alphen. Tales of Arise arrive aussi à éviter de tomber dans le piège du manichéisme. Certes, la domination de Rena laisse croire de prime abord que c’est une lutte banale entre le mal et le bien mais tout au long du jeu, on découvre des Reniens pas si méchants tandis que certains Dahniens laissent à désirer. Cela rend les interactions entre les 2 peuples encore plus intéressantes, de nombreux retournements de situation vous attendent (même si, encore une fois, certains sont visibles à des kilomètres).
Ce qui fait également le sel de Tales of Arise, ce sont ses personnages. Chacun des 6 héros a ses propres motivations et un passé unique, ainsi, cela ne fonctionne pas toujours parfaitement entre eux dans un premier temps mais cela crée une dynamique de groupe crédible. Outre les passages importants de l’histoire, on a des dizaines et des dizaines de petites scènes que l’on déclenche avec R1 (et cette fois, il ne s’agit plus de simples portraits avec des dessins) où ils discutent simplement, se partagent des anecdotes, mangent un délicieux repas autour d’un feu de camp, se chamaillent pour des broutilles, s’interrogent sur le monde qui les entoure et les bonnes actions à faire, etc. Leurs interactions sont bien amenées et leurs sentiments vis-à-vis des autres n’en deviennent que plus réels, on s’attache alors plus facilement à tout ce beau monde, de quoi mieux apprécier la suite des événements. Si l’on doit reprocher une chose du côté des dialogues, c’est qu’il y en a peut-être un peu trop, cassant parfois le rythme lors de situations critiques. Malgré tout, le scénario conté par Tales of Arise est fabuleux et bien écrit, prenant du début jusqu’à la fin. Le gameplay n’y est également pas étranger.
Le brasier du J-RPG ravivé ?
Tales of Arise s’inspire grandement de ses ainés pour ce qui est de la façon de jouer, les amateurs de la franchise ne seront pas choqués d’apprendre qu’on a principalement des combats, un peu de gestion des personnages, de l’exploration, des quêtes à accomplir… Rien de révolutionnaire en somme mais il faut voir comment chaque partie est exploitée. Commençons par l’exploration, qui est aux antipodes de la tendance du moment. En effet, point de véritable monde ouvert dans Tales of Arise mais plus une succession de niveaux et de cartes plus ou moins grands. Est-ce un mal d’avoir une aventure linéaire ? Pas forcément car les zones sont bien travaillées et proposent tout de même leur lot d’activités, allant de trésors à récupérer, d’objets à récolter, d’ennemis à abattre, de citoyens à aider, de la pêche et on en passe. Le rythme est alors appréciable, surtout que les quêtes annexes proposent souvent aux héros d’obtenir un certain nombre d’objets que l’on a déjà en notre possession si l’on prend le temps de fouiller les recoins à chaque visite d’un lieu inédit, évitant des allers-retours fatigants. C’est plus du côté des donjons que l’insatisfaction se manifeste, puisqu’il s’agit en général de simples successions de couloirs au chemin évident, proposant que peu de réflexion. Quelques énigmes et possibilités de plus n’auraient pas été de refus. Aussi, les murs invisibles sont contraignants dans certains niveaux et il n’est pas toujours évident de savoir où se diriger mais au final, on passe du bon temps lorsqu’on explore les différents royaumes de Dahna. Pour ce qui est des déplacements, c’est du conventionnel avec de la course, un peu de nage, de l’escalade à des points précis, du saut mais ne vous attendez pas à être chamboulés.
Là où Tales of Arise tire son épingle du jeu, c’est dans ses combats pour le moins flamboyants. Une fois un affrontement lancé, on dirige un personnage qui est accompagné par 3 alliés et on peut changer de héros jouable quand cela nous chante. Malgré l’absence de multijoueur, pas d’inquiétude pour l’IA des coéquipiers, ils se débrouillent très bien tout seuls et n’hésitent pas à aider le joueur quand il est mal en point. Du côté des contrôles, c’est simple et intuitif, surtout que les tutoriels sont efficaces et que les nombreuses possibilités offertes par le soft viennent avec le temps, ce qui nous laisse le temps de s’habituer aux attaques basiques, aux fameux Artes, aux esquives, aux sauts, aux contre-attaques, etc. Pour les aptitudes de base, retenez tout ce qui a été cité juste avant en dehors des Artes, en plus de l’utilisation des objets et des stratégies à appliquer avant ou durant une bataille (c’est toutefois basique, puisqu’il suffit de préciser si on préfère des alliés offensifs, défensifs ou autre). Le tout se veut fluide et rapide, bien plus que par le passé, on enchaine les combos avec grâce et les sensations sont très agréables, notamment grâce aux animations des héros et de leurs ennemis.
Avec les Artes, marque de fabrique de la saga Tales of, le système de combat prend son envol et nous livre des joutes diablement addictives. Cela va de différentes combinaisons de coups physiques à de la magie de soin, feu et autres éléments. Plus on avance et plus on débloque des Artes redoutables, pouvant parfois faire de l’effet sur toute une zone. De plus, chaque héros a des Artes qui lui sont propres, tout en ayant un style de combat particulier. Rien que pour Alphen, on a diverses possibilités grâce à sa maitrise de l’épée et ses attaques de feu. D’ailleurs, utiliser l’Épée ardente est à double tranchant : si cela fait plus de dégâts, Alphen en reçoit aussi, c’est pourquoi il est bon d’avoir un allié pouvant le soigner mais il faut faire attention car cela reste limité. Les autres personnages ne sont pas en reste et proposent des manières de jouer différentes, même si les contrôles restent les mêmes vu que les Artes s’activent par de simples pressions de touche. Shionne utilise un fusil à balles magiques, Law est focalisé sur le corps-à-corps, Rinwell se sert de sorts, Kisara est plus focalisée sur la défense avec son énorme bouclier et Dohalim possède un bâton ainsi que des pouvoirs redoutables. Ajoutons à cela des attaques bonus provoquées par l’affaiblissement d’un adversaire, des Artes ultimes et des coopérations entre les personnages qui en mettent plein la vue, le tout avec une simplicité bienvenue. On obtient alors un gameplay dynamique et complet qui ne laisse pas une seule seconde de répit au joueur, de quoi créer des luttes mémorables.
La perfection, donc ? Pas loin mais il faut souligner quelques bas. Le principal point négatif, c’est le bestiaire, fortement limité. On rencontre souvent les mêmes monstres, soldats et mini-boss tout au long du jeu, avec des coloris différents et quelques coups inédits histoire de changer un peu mais cela ne suffit pas. Un sentiment de répétition peut alors s’installer, malgré la pléthore d’actions possible du côte du joueur et une difficulté adéquate. Aussi, les boss sont certes sympathiques à affronter grâce à plusieurs phases mais ils ont presque tous énormément de points de vie, frôlant l’abus à quelques reprises, surtout s’ils sont accompagnés par un autre boss/d’autres ennemis. Enfin, l’action est parfois trop explosive, résultant à des dizaines et des dizaines d’effets présents à l’écran. C’est joli, on ne va pas se le cacher mais cela peut aussi mener à des pertes de visibilité et contre un boss qui fait mal, cela peut vite mener à la perte. Heureusement, il reste rare que l’on ne soit pas maître de la situation et l’excitation prend rapidement le dessus.
Enfin, qui dit RPG dit également arbre de compétences, objets à acheter/trouver, du craft… Là encore, Tales of Arise s’en tire bien mais ne réinvente pas la roue. On obtient des points de compétences via les affrontements, de l’argent via des missions et plusieurs items en fouillant dans les niveaux. À partir de là, c’est à vous de gérer chaque personnage en débloquant les Artes qui vous semblent prioritaires, en achetant son équipement, en créant des objets améliorant certaines statistiques, etc. Il y a même un peu de cuisine dans les aires de repos, conférant des bonus différents selon les plats préparés. Rien de complexe ou de spécialement innovant mais le tout se veut bien rôdé grâce à des explications justes et une interface précise. Parfois, il n’en faut pas plus, surtout quand ça permet de varier l’expérience avec les combats et l’exploration, de quoi vivre une aventure des plus aimables. Notons qu’il y a des microtransactions améliorant le gain d’expérience ou réduisant le coût dans les boutiques, cela pourrait faire lever les fourches à juste titre si c’était fortement bridé de base mais soyez rassurés, ce n’est pas le cas, il n’y a pas beaucoup de grind à faire pour venir à bout de l’histoire principale. D’ailleurs, la durée de vie est des plus honnêtes avec pas moins de 30-40 heures pour voir la fin et bien plus si vous souhaitez tout faire.
Une épopée majestueuse
Les derniers Tales of sont souvent considérés comme n’étant pas forcément très jolis à regarder en dehors des personnages, à l’exception de Tales of Vesperia qui a un aspect anime réussi. Bandai Namco a bien écouté les critiques et avec Tales of Arise, utilisant l’Unreal Engine 4, le développeur livre un soft quasiment impeccable visuellement parlant, autant graphiquement que artistiquement. Bien qu’il soit cross-gen, il offre des panoramas à couper le souffle, des architectures grandioses, des lieux variés (désert aride, montagnes enneigées, ville luxuriante et fleurie, prairies verdoyantes, etc.), le tout avec des textures majoritairement dessinées, offrant un rendu proche d’une peinture. Tales of Arise évite d’allier personnages en cel shading à des décors aux textures semi réalistes (parfois ratées, qui plus est), ce qui ne fait que rarement bon mélange. En parlant des personnages, si les PNJ sont corrects mais sans plus, les personnages principaux sont exquis : design propre (à l’exception de quelques tenues féminines, une habitude qui a du mal à partir), animations de qualité et expressions faciales crédibles, ce qui rend les scènes de l’histoire et les cinématiques spéciales des combats davantage réjouissantes. La mise en scène est souvent exceptionnelle, tout comme les nombreux effets visuels des attaques nous scotchant à l’écran. Mention spéciale aux scènes animées que l’on doit à Ufotable (anime Demon Slayer, entre autres), réalisées avec soin.
Hélas, l’immersion est par moments brisée à cause du pop-in. Dans Tales of Arise, on voit souvent des personnages ou éléments apparaître/disparaitre à seulement quelques mètres de distance, alors que d’autres restent visibles. On s’y habitue au bout d’un moment mais cela reste distractif, surtout quand il s’agit d’ennemis qui arrivent sans prévenir. Dans le lot, il y a également 1 ou 2 textures ratées, donnant l’impression qu’elles ne chargent pas complètement et les ombres ne sont pas toujours des plus fidèles, étant grossières et aliasées. C’est malgré tout du détail et à côté, la performance sur PlayStation 5 est impeccable si l’on choisit le mode performance, offrant 60 images par seconde non-stop et une résolution des plus correctes malgré tout ce qui se passe à l’écran. La DualSense est d’ailleurs bien exploitée, avec des vibrations ajoutant davantage de peps lors des affrontements et des cinématiques mais elle l’est un peu moins durant l’exploration. Il y a déjà eu mieux comme feeling (Astro’s Playroom, pour ne citer que lui) mais cela fait le travail. Pour ce qui est des temps de chargement, PS5 oblige, il n’y en a quasiment pas et voir les combats se lancer en moins d’une seconde, ça donne toujours le sourire.
Quant à la bande-son, Motoi Sakuraba est de retour à la barre et on sent qu’il a été inspiré par ses derniers travaux chez FromSoftware avec les Dark Souls. Tales of Arise utilise beaucoup de compositions symphoniques avec plusieurs chœurs afin de livrer des musiques fantastiques (celle où Alphen utilise l’Épée ardente pour les premières fois donne des frissons à chaque fois), mélancoliques ou bucoliques du plus bel effet. La patte Tales of est également de la partie avec quelques remaniements plus rock ou traditionnels, ce qui confère un aspect diversifié à l’ensemble. Quant aux voix japonaises, une fois encore, les acteurs ont livré un travail efficient et percutant, n’hésitant pas à se lâcher à fond lors des moments de peine, de bonheur, etc. Quelques exagérations se font entendre mais cela ne dérange pas beaucoup. Par contre, le mixage audio est quelque peu déroutant, la musique n’étant pas assez forte durant certaines batailles – malgré un réglage favorisant la musique par rapport aux voix et aux sons – ou baissant même au sein d’une même scène. C’est plutôt inhabituel dans un jeu aussi ambitieux et on espère qu’une mise à jour corrigera cela un tant soit peu.
Verdict : 8/10
Tales of Arise réussit avec succès à redonner un souffle épique à la saga. Des défauts, il en a mais on les pardonne facilement au vu de la qualité globale du jeu. On vit une aventure étincelante et bouleversante, nous faisant livrer des combats brillants de mille feux tout en traversant des contrées toutes plus splendides les unes que les autres. En enlevant certains aléas et avec davantage d’innovation, on ne serait pas loin du chef-d’œuvre, c’est vous dire. Qu’importe, Tales of Arise s’impose facilement comme l’un des meilleurs Action-RPG de ces dernières années et il devrait réussir à enflammer sans l’ombre d’un doute bon nombre de cœurs. Pour le nôtre, c’est déjà fait.
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