Premier jeu du petit studio québécois Lowbirth Games, nous transportant alors dans les années 50 saupoudré de références cinématographiques en tout genre. This Bed we Made nous met aux commandes de Sophie Roy, femme de chambre un peu trop curieuse souhaitant passer inaperçue auprès de la gent masculine. Il est temps de dévoiler les secrets du petit hôtel enneigé pour lequel nous travaillons, et peut-être y découvrir une triste vérité ?
Test réalisé sur PC grâce à une copie numérique envoyée par l’éditeur
En place. Moteur et…. Action !
Avant toute chose, sachez que This Bed We Made est un jeu dans le style d’un Dark Pictures en termes de mécanique, mettant en avant beaucoup de cinématiques et davantage axé sur l’histoire que sur le gameplay, qui, en lui-même, est assez rudimentaire. Nous en discuterons en détail plus tard dans l’article. Le jeu nous transporte donc directement dans les années 50, plus précisément à Montréal en 1958, dans un charmant petit hôtel, le Clarington. Dès le début, le titre nous accueille avec une petite phrase d’ouverture, nous indiquant que chaque action, même l’inaction, influencera le déroulement de l’aventure. Et c’est dans un commissariat, dans un noir et blanc cinématographique assez appréciable, que nous découvrons notre protagoniste pour la première fois. On ressent alors une tentative d’honorer les codes d’enquête et de thriller à l’ancienne, que ce soit par son style visuel ou son atmosphère. Cependant, une première ombre au tableau apparaît, en particulier si vous êtes du genre à vouloir explorer chaque recoin dès que vous prenez le contrôle. Dans cette petite séquence d’introduction, nos mouvements sont limités à une petite zone. Par exemple, il est impossible de se retourner correctement ou de faire un tour complet sur soi-même pour apprécier les décors plutôt bien réalisés. C’est dommage, mais une fois cette étrange phase dépassée, et après un rappel des faits par un commissaire, nous voilà nettoyant une chambre rappelant le petit film qu’est Shining.
Et en tant que bonne femme de chambre, nous devons nettoyer. Que ce soit passer du lit à la poubelle ou encore de la baignoire au nettoyage des carreaux, nous accomplissons ces tâches d’un simple coup de souris, nous plongeant davantage dans la peau de notre personnage Sophie, tout en nous rappelant l’époque où, comme l’indiquent si bien les petits dépliants posés ici et là, ce métier exigeait de la discrétion et de faire le moins de vagues possible, surtout en étant une femme.
Après avoir accompli notre mission, nous nous rendons directement à la salle de repos où notre protagoniste mange seule, écartée des autres membres du personnel. Ce qui dévoile ainsi le caractère solitaire de Sophie, préférant rester à l’écart des histoires d’amour présentes au sein de l’équipe. À cette occasion, nous faisons la rencontre de nos premiers personnages importants : Andrew, un beau parleur passionné de livres ; Beth, la réceptionniste et femme fatale ; Bernard, le patron tyrannique. Ne cherchez pas à rencontrer plus de personnages, car il n’y en a pas d’autres malgré les nombreux noms que vous découvrirez au fil de l’aventure. Les autres se résumant à leur description et à un dessin plutôt bien réalisé dans l’inventaire de Sophie. En soi, ce n’est pas plus mal, surtout si l’on considère les animations rigides des personnages secondaires par rapport à notre héroïne.
L’enquête commence réellement après avoir nettoyé une nouvelle chambre, la 505, avec les premières intrigues et énigmes. Vous découvrez alors que vous avez été prise en flagrant délit en train de fouiner dans les affaires des clients, à travers des photos de vous disposées dans une salle de bain faisant office de chambre noire. Vous décidez alors de mener l’enquête pour comprendre qui se cache derrière le client de la chambre 505, ainsi que ses relations avec d’autres personnes présentes à ce même 3ème étage.
Fouiner, un mal pour un bien. Vraiment ?
Ainsi commence votre enquête, basée sur la résolution d’énigmes assez simples, qu’il s’agisse de déchiffrer des codes ou de récupérer des objets, qu’en suivant les indices présents dans les nombreux écrits que vous trouverez. Du point de vue de l’écriture, le jeu ne brille pas au départ, mais il s’enrichit au fur et à mesure des lettres et des notes laissées par les différents clients que vous apprendrez à connaître. Pour vous rappeler de votre rôle, vous avez la possibilité de nettoyer l’ensemble des preuves ainsi que des objets qui vous tombent entre les mains.
L’histoire avance progressivement en vous amenant à ouvrir davantage de chambres, chacune racontant des éléments passés que vous devrez alors décortiquer pour en savoir plus sur le client de la chambre 505. À la manière d’un clin d’œil à ses inspirations, telles qu’Agatha Christie ou encore Alfred Hitchcock (surtout les angles de caméra dans les cinématiques), vous avancerez tranquillement dans votre aventure, plutôt bien amenée, bien que par moments nous ayons longuement tourné en rond avant de bien comprendre ce que nous devions chercher. Si vous êtes perdu, Sophie peut vous aider en appuyant simplement sur la touche A, vous permettant de lire dans ses pensées et ainsi de vous orienter vers votre tâche à accomplir, sans réellement vous donner les clés de la réussite. Cette idée est plutôt originale dans l’ensemble, même si parfois elle risque de vous embrouiller plus qu’autre chose, à l’image d’une énigme basée sur la recherche de 2 clés, pour laquelle nous avons dû faire appel à un ami (un développeur) pour obtenir la réponse. Un petit conseil, lorsque vous en arrivez là, observez attentivement votre environnement et utilisez la mécanique d’investigation, peu exploitée sauf à ce moment-là, vous permettant d’agrandir une lettre ou un indice et de faire travailler les méninges de Sophie plutôt que les vôtres, que vous devrez toutefois appliquer pour cette séquence.
Le premier gros couac à noter est l’interactivité. Malgré un gameplay rudimentaire, se limitant au déplacement de votre personnage ainsi qu’à quelques clics pour prendre un objet et le faire tourner, il y a peu à faire. Toutefois, de bonnes idées nous sont présentées, comme la possibilité de prendre et d’ouvrir un objet lorsque celui-ci peut être ouvert, ou encore de reconstituer des pages arrachées pour déchiffrer un message codé. Mais cette mécanique est clairement sous-exploitée, ce qui nous amène même à l’oublier en cours de route. Il nous est arrivé plusieurs fois de devoir retourner dans des pièces pourtant largement fouillées de fond en comble, car nous avions oublié cette possibilité. C’est à ce niveau qu’apparaît un autre point négatif, à savoir les choix de dialogues.
Pendant votre enquête, on vous laissera le choix d’être aidé soit par Andrew, soit par Beth. Dans notre test, nous avons choisi Andrew, qui sera notre intermédiaire dans les nombreux appels que vous aurez au fil du récit. Ces appels proposent différentes interactions avec ces personnages, basées sur des choix de réponses, et ces réponses affectent ensuite le déroulé de l’histoire. Vous pouvez choisir de mentir, de développer une romance, ou même de demander des précisions sur un élément. Cette mécanique est une bonne idée pour un jeu de cette envergure, mais elle manque franchement de peaufinage, car elle est une nouvelle fois sous-exploitée. C’est dommage, puisque certains choix auraient pu avoir plus de conséquences que de proposer de simples petites variations.
C’est dans cette même optique, que vous ferez des choix de nettoyage et/ou d’ouvrir certaines portes. Tout au long de l’enquête, on a tendance à penser que nos actions vont réellement affecter l’histoire en cours, mais ce n’est qu’à la toute fin qu’elles auront réellement un effet. Cela vous laisse alors la possibilité de simplement recharger une sauvegarde juste avant la résolution de l’intrigue, et ainsi essayer toutes les fins possibles du jeu. Ce choix technique peut se comprendre, car créer des embranchements en cours de route peut être chronophage, mais il aurait peut-être pu avoir un peu plus d’impact, même minime, pendant la partie. Surtout lorsque l’on considère la durée de vie du jeu un peu courte, mais similaire à ce que proposait The Dark Pictures Anthology: Man of Medan à l’époque, soit environ 4 heures.
Petit moment de vie, tapis dans la neige de Montréal.
Toutefois, et malgré toutes ces critiques semblant un peu sévères, il y a de très bonnes choses à noter sur le premier titre du studio. L’histoire en elle-même est très prenante, et si vous êtes cinéphile ou même fan de romans, vous adorerez passer du temps à dénicher des clins d’œil ou directement des références à des romans d’enquête. De plus, l’époque choisie n’est pas très commune, surtout lorsque l’on nous met dans la peau d’une femme assez timide et réservée, à l’écart de la société, étant autant spectatrice que nous des années très patriarcales. Cette représentation est plutôt bien rendue, que ce soit par les réactions des autres PNJ ou encore par les nombreux dépliants glissés un peu partout dans l’hôtel. Pour renforcer cette immersion, le doublage québécois est de plutôt bonne qualité, tout comme le doublage en anglais. Bien que nous ayons rencontré quelques bugs liés au changement de langue en plein milieu de notre test, cela n’était pas trop dérangeant, car les personnages parlent lentement, ce qui nous permettait de rattraper le fil de la discussion sans trop être perdus.
Mais bon, malgré tous ces petits points positifs, il y en a d’autres que nous ne pouvons pas négliger. Entre quelques erreurs de traduction, un réel manque de musique lors de nos explorations, une certaine rigidité des personnages, ou encore le trop petit nombre de lieux à explorer (un total de seulement 3), nous ressortons de l’histoire avec une impression sympathique mais assez vite oubliée. Toutefois, il s’agit d’une excellente porte d’entrée et d’une très bonne carte de visite pour d’éventuelles suites, car il y a énormément de choses à exploiter, tant l’univers dépeint mérite d’être approfondi. À l’exception de l’énigme qui nous a obligé à faire appel à un développeur, l’ensemble du jeu est assez facile d’accès. Il faudra néanmoins avoir des bases en anglais pour déchiffrer correctement des mots cachés qui, malheureusement, ne seront pas traduits. Mais ce n’est pas un gros problème à ce niveau-là.
Verdict : 6/10
En résumé, This Bed we Made est un sympathique thriller à parcourir, et ce malgré de nombreux défauts. Il est difficile de ne pas tirer notre chapeau à cette petite équipe de Lowbirth Games, composée seulement de 14 personnes. Avec une histoire prenante plutôt qu’un gameplay passionnant, le récit ainsi dévoilé ouvre la porte à de potentielles suites. Nous espérons sincèrement que le jeu trouvera son public, permettant ainsi de proposer de nouvelles aventures avec Sophie ou d’autres personnages dans cette époque aussi sublime que discriminatoire. À essayer si vous souhaitez vivre une petite enquête sans prise de tête ni tension.
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