TEST | Wasteland 3 – Douche froide sur le Colorado

En 2012, quand le projet Wasteland 2 est lancé, nous avons apporté notre pièce au financement participatif dans l’espoir de retrouver un C-RPG de haute volée. Sur le papier, ça avait tout pour plaire. Avec Brian Fargo aux commandes, Micheal A. Stackpole, Ken St. Andre et Liz Danforth à l’écriture, inXile Entertainment avait les moyens économiques et les talents humains pour réaliser une œuvre splendide. Ce qui fût le cas, cet opus apparu en 2014 avait fait chavirer le cœur des aficionados du premier Wasteland et des deux premiers Fallout, s’accaparant dans son sillage de nouveaux joueurs découvrant un genre oublié. Deux ans plus tard est annoncé Wasteland 3, toujours développé par inXile Entertainment, mais un rachat par Microsoft Studios courant 2018 aide le studio californien à s’approcher d’une expérience AAA. Le hic, c’est que chercher cette expérience oblige à faire des concessions.

Test réalisé sur PC grâce à une copie numérique envoyée par l’éditeur

Une écriture toujours aux petits oignons

Wasteland, vous connaissez déjà ses rouages mais vous ne le savez pas encore. D’abord c’est un univers post-apocalyptique où une pluie de têtes nucléaires a arrosé tous les continents et où les quelques survivants construisent des sociétés sur les ruines d’une Amérique décimée. Des groupes plus barjots les uns que les autres émergent, des institutions corrompues poussent, et pour garder un semblant d’ordre, une faction se fait la police du Nouveau Monde : les Rangers du Désert. Ce qui est loin d’être une tâche simple, il faut donc de puissants alliés pour aider à ce projet. C’est à ce moment qu’est contactée la milice par le « Patriarche ». Ce dernier règne sur le Colorado et promet d’apporter son soutien en échange d’un modeste coup de pouce des Rangers, qui s’empressent d’envoyer des hommes à celui-ci. Bien sûr, pendant le trajet, pas de chance : un groupe de dégénérés décime la majorité du convoi dépêché sauf deux Rangers, qui devront continuer la mission coûte que coûte. À cette différence qu’elle est loin d’être simple : il faut se faire un nom dans la région, monter une base opérationnelle pour les Rangers du Désert, résoudre les soucis du Patriarche et régler les petits bobos de la région. Et cela va sans dire, chacun des choix aura plus ou moins d’incidences sur le Colorado.

Car c’est ça toute la trame : parcourir un Nouveau Monde où l’éthique et la morale s’entrechoquent constamment. Le talent d’écriture d’inXile fait toujours autant mouche, rien ne laisse indifférent et prendre position est difficile. Les thèmes abordés durant la quête principale sont nombreux et vous demanderont de faire des choix qui chahuteront votre vertu. Le manichéisme n’a pas sa place dans Wasteland 3, vous n’êtes jamais véritablement bon ou mauvais dans vos actions. Car c’est ça aussi l’univers de Wasteland, un vaste bordel où on doit y laisser son empreinte. Du coup les solutions comme les problèmes sont toujours surprenants. Parce que oui, en plus du fil conducteur principal, il faut résoudre les petits ou gros soucis de la région. Et autant prévenir, des lurons atypiques vous allez en rencontrer, même ne discuter qu’avec ça. Parfois ils se régleront sans tirer une cartouche mais en repartant avec une IST, d’autres moments c’est en pataugeant dans le sang que l’équipe ressortira d’une salle. Le travail d’écriture est le gros point fort du soft, en plus appuyé par des doublages qualitatifs et uniques aux personnages. Du début à la fin, Wasteland 3 arrive à surprendre, faire rire, douter et réfléchir sans jamais s’épuiser.

La recette est toujours la même, à grands coups de cuillères de temps réel pour l’exploration et de tour par tour pour les affrontements, le tout selon sur une vue isométrique. Un C-RPG ô combien classique qui cherche à se renouveler par quelques touches. Fini les combats où l’organisation d’un tour est définie par la vitesse du personnage, maintenant c’est un groupe après l’autre. L’inventaire aussi fait peau neuve, il opte pour un rangement commun plutôt qu’individuel en oubliant la limite de poids. Deux choix qui démontrent la volonté d’inXile d’apporter ce Wasteland 3 à un public plus large. Mais le plaisir est toujours le même, on vadrouille d’une carte à l’autre soit avec son équipe dans les villes, soit avec son véhicule en dehors des points d’intérêt (une mine, un aéroport, etc.), dans un schéma classique : nouvelle ville égale des autres quêtes à compléter pour gagner de l’expérience. Un voyage très guidé qui ne laisse pas tant de place à l’exploration dans sa forme la plus pure, soit le vagabondage.

Nivellement vers le bas

La compagnie est composée de quatre Rangers qu’on peut créer de toute pièce ou choisir parmi une sélection. Au grès de l’expédition, on rencontre des gens qui voudront se joindre à l’aventure. Ainsi, deux autres personnages peuvent se greffer au groupe. Les Rangers comme les deux héros gagneront de l’expérience au fil des combats et des actions réalisées, comme un crochetage réussi, pour à terme obtenir un niveau. À chaque niveau on peut monter un attribut (force, coordination, chance, vitesse, etc.) et des compétences (mêlée, fusils de précision, charmeur d’animal, etc.). Bien sûr, l’objectif est d’avoir un groupe hétérogène pour qu’il se complète au maximum. On remarquera l’arrivée d’une nouvelle catégorie dans la création du personnage : « L’Histoire ». Celle-ci apporte un bonus permanent à son propriétaire tout en lui rajoutant un petit background. Mais encore une fois, inXile fait le choix de porter la création à tous. Dans les faits, cela est traduit par les points d’attributs qui n’influent plus sur certaines compétences. Plus besoin d’un montant précis de charisme pour débloquer les dialogues lèche-culs haut niveau par exemple. À l’inverse, l’armement profite de bonus liés à ceux-ci. De plus, comme on gère le préambule d’un QG Rangers, il est possible de recruter des membres à tout moment. Un gars de l’équipe passe l’arme à gauche ? Un conscrit avec un niveau légèrement inférieur est disponible au centre. Cerise sur le gâteau, il est personnalisable à souhait.

Même guidé, le voyage reste dangereux et les Rangers ont moult moments à porter les mains à la ceinture. Les combats sont au tour par tour, chaque personnage possédant un nombre de PA (point d’action) à dépenser entre déplacement, attaque ou rechargement et défense puis enfin les compétences. inXile ne rénove pas le genre et le maintient dans le classique où les habitués retrouveront leurs marques très rapidement. Comme nous le faisions remarquer dans notre preview (disponible à cette adresse), les tours se déroulent maintenant en équipe. Un changement notable qui bonifie l’expérience globale du soft. Les affrontements sont toujours aussi haletants et la goutte au front n’est jamais bien loin. À noter que la difficulté est en dents de scie, et il n’est pas rare de tomber dans un combat où l’équipe ne passera pas deux tours. C’est un pli à prendre quand on s’adonne à un C-RPG. Bien sûr, un florilège de statistiques sera à prendre en compte : de la position du soldat à sa couverture jusqu’à l’habilité qu’il possède avec son arme, tout cela influera sur les chances de toucher la cible. Rien de bien compliqué en soit tant le HUD est pensé pour être compris au premier coup d’œil. Côté armement, on retrouve les classiques du genre, des armes de mêlée contondantes ou blanches aux armes légères ou lourdes.

Engelure sur les textures

Un Colorado gelé et venteux en fond, des chapeaux de cow-boy et autres masques à gaz en premier plan, l’univers a de quoi faire rêver. D’une manière générale la direction artistique est agréable et respectée. Les couleurs froides prédominent avec les teintes sombres, jusqu’à ce que des jeux de lumière viennent raviver les pièces de couleurs chaudes éparpillées ici et là. On notera l’attention de la narration environnementale qui, comme l’écriture, profite d’un soin particulier. Cependant, c’est l’aspect technique qui chagrine. Les textures, même pour une vue isométrique, sont fades et peu détaillées voire parfois carrément issues d’une époque révolue. Paradoxalement, les chargements sont étrangement longs et on doit l’avouer, sur notre quarantaine d’heures de jeu, cinq à six heures sont à allouer à ces derniers.

Verdict : 6/10

Est-ce que ce troisième opus est un mauvais Wasteland ? Irrémédiablement que non, mais force est de reconnaître que la série perd de sa superbe. Alors oui, les dialogues comme les doublages et d’une façon générale l’écriture sont grandioses, et on n’en attendait pas moins. Cependant, inXile semble ne pas trouver où se placer. En cherchant à attirer un nouveau public, en simplifiant plusieurs aspects comme la création du personnage ou la gestion de l’inventaire, le studio fait des infamies aux puristes. D’un autre côté, l’utilisation d’une vue isométrique et l’aspect très textuel du soft risquent de faire rebrousser chemin aux potentiels nouveaux joueurs. Mais le pire reste l’aspect technique : difficile de justifier ce retard graphique avec ces longs chargements. Si la preview à l’époque nous avait fait chaud au cœur, nous avons été un peu refroidis par l’expérience finale.

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