Lorsqu’en 2015, Matt Thorson présente Celeste lors d’une game jam, nous étions loin de nous douter que, plus de 2 ans plus tard, le prototype deviendrait un titre fortement recommandable aux amateurs de jeux de plates-formes qui hument bon les années 90 en termes de réalisation. En effet, la première version du jeu ressemblait davantage à un titre qui aurait tout à fait pu sortir sur NES sur fond de musique Chiptune presque entraînante. Après 2 longues années de travail et demie avec Noel Berry, qui l’a également accompagné dans le développement du jeu durant la game jam, voici que Celeste pointe le bout de son nez sur PC et consoles, y compris sur Nintendo Switch, histoire de ne pas faire de jaloux.
Test réalisé sur Nintendo Switch à partir d’une version numérique fournie par le développeur
Un mont, démons
Avec le prototype de Celeste, que certains ont pu découvrir il y a 2 ans et demi de cela, Matt Thorson avait déjà posé les bases efficaces d’un genre fortement apprécié chez les amateurs de productions indépendantes. Rien de révolutionnaire en soi, puisqu’il suffisait de 2 touches, en plus du déplacement, afin de pouvoir escalader le mont Celeste. Mais la formule est efficace, et de nombreux platformers ont démontré qu’il n’y avait pas besoin d’un gameplay complexe afin de s’imposer comme une référence en la matière. D’autant que le concept de Celeste présente quelques subtilités qu’il faut bien vite assimiler pour ne pas voir notre héroïne passer l’arme à gauche des dizaines et des dizaines de fois. Quoi que, autant vous le dire de but en blanc, la mort est une constante inévitable dans Celeste, une amie indésirable (au premier abord) dont on aimerait bien se défaire mais qui s’avère plutôt collante.
Vous l’aurez compris, votre escapade sur le mont Celeste sera marquée par d’innombrables morts (et autant d’essais) qui s’achèveront sur la réussite d’un tableau, suivi d’un râle venant fêter la victoire sur un environnement un poil malicieux. Aussi intense que courte, la satisfaction reste avant tout l’un des principaux moteurs de la motivation du joueur. Si l’on se retrouve face à des niveaux de plus en plus coriaces au fur et à mesure de l’avancée, on parvient à ne pas se décourager en pensant au chemin qui a été parcouru jusqu’ici. Et en y réfléchissant bien, c’est plutôt une jolie allégorie du parcours du combattant qu’affronte notre charmante héroïne, puisque face à ses démons, la jeune fille devra trouver le courage d’avancer afin d’atteindre son objectif.
Si le jeu ne prend d’ailleurs pas la peine de nous présenter plus en détails la protagoniste lorsque l’on débute l’aventure, c’est probablement pour mieux s’identifier à elle et découvrir son histoire ainsi que ses motivations. Armée de sa seule volonté et de son caractère bien trempé, la jeune Madeline a décidé de s’attaquer au mont Celeste, un périple pour le moins ardu et qui l’amènera à rencontrer des personnages hauts en couleur, comme Théo, un jeune homme qui semble passionné par les ruines et temples anciens, en plus de l’amour qu’il porte à son égo largement mis en avant sur ses réseaux sociaux par le biais de seflies. Le jeu propose d’ailleurs une certaine pointe d’humour, mais offre une part belle à l’émotion, que l’OST introduit dès les premiers instants.
Une bande-son aussi belle que glaciale
Aussi glaciale que les environnements enneigés que Madeline devra franchir, la soundtrack du jeu joue sur la corde sensible du joueur avec beaucoup de claviers menés par la main de la talentueuse Lena Raine, qui se révèle au monde entier avec cette première collaboration. Dans un style oscillant entre l’onirique et le mélancolique, les différentes pistes restent en tête et l’on parvient difficilement à s’en détacher. D’ailleurs, si à la fin de la lecture de ce test, le jeu de Matt Makes games ne vous semble pas taillé pour vous, on ne saurait que trop vous recommander de jeter malgré tout une oreille à l’OST, d’ores et déjà disponible sur tous les bons services de streaming musicaux.
Le ton et le rythme des compositions sont très bien dosés puisque plus l’on avance dans les différents chapitres, plus les thèmes deviennent soutenus, plus les instruments se lâchent et dévoilent des mélodies somptueuses et enivrantes, qui collent forcément à l’ambiance instaurée par les différents lieux que l’héroïne est amenée à visiter. Des lieux tout de pixel-art, certes, mais à la direction artistique très réussie, et dont le soucis du détail pourra parfois donner lieu à quelques déconvenues. En effet, certains éléments du décor peuvent parfois être confondus avec des plateformes. On ne se fait toutefois pas avoir deux fois de suite, et on apprend vite à les discerner.
Quand l’audace du level design sublime le gameplay
À l’instar d’un Towerfall Ascension (osons la comparaison, après tout il s’agit également d’un titre provenant du même développeur), le gameplay de Celeste est sans concession, réglé comme du papier à musique, faisant la part belle au timing et à la justesse. Généralement, on ne possède guère plus de quelques millisecondes pour prévoir sous quel angle aborder le tableau sous nos yeux, ce qui n’est pas sans rappeler un certain Super Meat Boy – pour ne citer que lui. Il faut dire que bon nombre des tableaux du jeu prennent presque la forme de puzzles tant il faut réaliser ses sauts ou dash dans un ordre précis, que ce soit afin d’activer des interrupteurs qui permettent de déplacer une plateforme bloquant la sortie ou d’atteindre une corniche inaccessible sans un plan précis.
Mais autant vous rassurer, Celeste fait aussi la part belle aux réflexes et à la spontanéité : Lorsqu’une plateforme sur laquelle on vient de se poser s’écroule, il faut immédiatement réagir en conséquence. Comme évoqué plus haut, la mort est constante dans Celeste. Le concept du « Die & retry » s’applique ici à la lettre, mais c’est par nos échecs que l’on apprend. Le jeu nous le fait d’ailleurs bien comprendre par le biais de petites notes qui apparaissent durant les quelques écrans de chargement du jeu. Les morts se comptent alors par centaines, et il n’est pas rare de devoir réiterer des dizaines de fois un tableau afin de pouvoir le compléter.
Finir le jeu, en comptant environ 8 à 10 bonnes heures, offre un challenge certain, et les amateurs de défis seront ravis de voir que le jeu sait tenir tête au joueur. Les moins habiles pourront tout de même faire appel à l’assistance in-game qui permet de profiter de dashs infinis ou encore de ralentir le temps afin de mieux envisager la prochaine action. Qui plus est, le jeu s’offre un contenu assez impressionnant : il faut compter à la louche plus de 400 tableaux pour les 8 chapitres de la trame principale, qui seront ensuite complétés par les faces B (Puis les faces C pour les plus téméraires) des niveaux complétés précédemment. Il s’agit concrètement de versions plus ardues des tableaux que l’on a déjà traversé, et les réjouissances ne s’arrêtent pas là, puisque l’on pourra également partir à la chasse aux fraises, dispersées à travers l’ensemble du jeu et qui sont simplement là afin de se confronter à nos amis (si l’on en croit les dires du jeu, toujours durant les écrans de chargement).
Là où Celeste sort du lot, c’est de par son level design ingénieux qui met en avant un gameplay complètement maitrisé et efficace. En effet, chaque environnement propose son lot de particularités : entre les plateformes qui se déplacent au moindre dash réalisé, les nuages permettant de sauter plus haut ou encore les bulles qui nous permettent de propulser Madeline dans la direction souhaitée, c’est un florilège de moyens astucieux pour montrer au joueur que s’il pense maitriser son héroïne à la perfection, il ne lui en reste pas moins beaucoup à apprendre.
Enfin, tant qu’à parler de la précision du gameplay, il convient d’évoquer le cas de la Nintendo Switch, plateforme sur laquelle nous avons testé Celeste. Car si les choses se déroulent pour le mieux une fois la console dockée, avec le Pro Controller, en mode nomade nous avons noté que les sticks des joycon ne sont pas des plus précis. Cela est en partie dû aux zones mortes des sticks entre les diagonales et les directions horizontales/verticales, de ce fait, il est un peu plus compliqué de jouer en mode portable. Rien d’insurmontable dans les faits, mais prévoyez quelques morts parfois injustes auxquelles il faudra répondre par une sérénité de tous les instants afin de profiter à 100% d’un titre qui se prête tout de même à merveille à la console hybride de Nintendo.
Verdict : 9/10
La fin mois de janvier 2018 aura décidément été un grand cru pour le jeu vidéo. Et au milieu des deux titres les plus attendus cette année (MHW et DBFZ), se trouve Celeste, une petite perle du jeu vidéo indépendant qui met le joueur face à un gameplay rigoureux qui se renouvèle à mesure que les environnements de dévoilent tout au long de l’ascension du mont Celeste. Un ascension durant laquelle on se prend d’affection pour notre héroïne faite de pixels qui devra affronter ses démons, le tout accompagné d’une bande-son qui sublime le propos à merveille, allant même jusqu’à nous faire frissonner par moments. Incontournable.
Laisser un commentaire