Lorsqu’en 2005, Dmitri Gloukhovski publie son premier ouvrage intitulé Metro 2033 (Метро 2033 dans sa langue natale), il était probablement bien loin de se douter que 12 ans plus tard, son oeuvre ferait partie des jeux annonces durant la conférence Microsoft à l’E3, la grande messe des jeux vidéo. En effet, en seulement 2 jeux, 4A Games a réussi à fédérer les joueurs autour d’un FPS adapté d’une trilogie de romans qui a connu un succès critique et commercial en Russie. Dans le reste du monde, il aura vraisemblablement fallu attendre que l’adaptation vidéoludique de Metro 2033 fasse son apparition dans les bacs pour que l’auteur et sa création soient reconnus. Depuis, on parle même d’une adaptation cinématographique, preuve que le jeu vidéo peut aussi permettre d’étendre bien des horizons à une oeuvre littéraire. Mais pour l’heure, il est temps pour Artyom de sortir des tunnels sombres du Métro le temps d’une aventure inédite écrite spécialement pour le dernier opus de la franchise : Metro Exodus.
Test réalisé sur PS4 à l’aide d’une version numérique fournie par l’éditeur sans que l’on ait eu à s’aventurer dans les méandres du métro parisien. Ouf.
À bientôt dans l’métro !
Si la licence Metro ne fut pas la première tentative d’adapter une œuvre littéraire en jeu vidéo, on ne peut qu’admettre que la transposer en un FPS fut une idée assez singulière sur le papier. En effet, on aurait imaginé bien des styles différents pour dépeindre la Russie dévastée par la guerre nucléaire, mais pas forcément celui-ci. Pourtant, Metro 2033 et sa suite, Metro Last Light, ont prouvé que le genre s’adapte à merveille à cet univers post-apocalyptique cauchemardesque. Il convient d’ailleurs de rappeler que si la trilogie des livres de Dmitri Gloukhovski et les jeux portent le nom d’un des plus célèbres modes de transport en commun, c’est avant tout parce que l’aventure se passe originellement dans les tunnels du métro Moscovite. Pour le nouvel opus dont il est ici question, il sera effectivement le point de départ des nouvelles péripéties d’Artyom mais deviendra vite un lointain souvenir, puisque comme le laisse sous-entendre le nom du soft, notre héros et ses compères vont le quitter sans plus attendre pour démarrer leur exode à travers la Mère patrie.
Le jeu s’ouvre alors sur un monologue de notre protagoniste, largement désabusé par les évènements qui se sont déroulés dans les précédents épisodes, l’occasion pour les nouveaux venus de faire le point sur la situation actuelle en quelques mots ainsi que d’en comprendre les tenants et aboutissants. Le héros, bien qu’obligé de vivre dans les souterrains de la capitale Russe en conséquence de la guerre, est persuadé que les radiations ne sont pas omniprésentes et qu’il existe d’autres endroits où la civilisation a réussi à survivre à l’apocalypse.
Pour autant, si quitter les interminables tunnels du Métro de Moscou signifie passer plus de temps sous la lumière du jour, cela ne signifie pas pour autant que Metro Exodus sera plus paisible que ses aînés. Loin s’en faut, puisque l’on retrouve bien là le cocktail qui faisait déjà le charme des opus précédents, mélange habile de survival horror et de FPS. La formule n’est pas forcément innovante, mais elle fonctionnait déjà plutôt bien, et il faut reconnaître qu’elle trouve ici un aboutissement certain. Ainsi, pas question de dézinguer à vue tout ce qui bouge ici sans réfléchir à la situation. En effet, il ne faut pas oublier qu’en ces temps difficiles, la Russie ne regorge plus d’autant de ressources qu’auparavant. Moins de ressources signifie donc forcément moins de munitions et d’équipement à disposition afin de survivre en ces terres résolument hostiles ainsi qu’une gestion minutieuse de celles que l’on possède.
Metro Exodus présente la particularité certaine d’offrir deux types de niveaux distincts : tandis que certains sont ouverts (sans pour autant parler d’open-world), d’autres sont linéaires et offrent un chemin défini pour le compléter. Une construction intéressante qui permet vraiment de rythmer la progression du joueur à travers l’aventure. En effet, les niveaux ouverts sont propices à l’exploration et peuvent parfois offrir des objectifs secondaires ainsi que des points d’intérêt à visiter, le tout dans l’optique de looter un maximum d’éléments pour le craft. Forcément plus longs, ils proposent de véritables missions qui s’intègrent dans les événements liés au scénario et offrent un certain sentiment de liberté qui est le bienvenu. Libre au joueur donc de partir explorer les alentours afin de récupérer un maximum de ressources ou bien de se focaliser sur sa mission principale. Notons cependant que le premier choix coule malgré tout de source puisqu’il est préférable d’être bien équipé. De plus, l’histoire est largement complétée par les journaux, notes et livres que l’on ramasse, permettant d’en apprendre davantage sur l’univers ainsi que les mésaventures des locaux.
Please mind the gap between the train and Artyom
Ces derniers seront d’ailleurs souvent de potentiels ennemis, qu’il s’agisse de bandits, de fanatiques ou tout simplement de soldats. Les alliés sont peu nombreux et rares sont les PNJ pacifiques. À cela s’ajoute un bestiaire composé de mutants tout droit sortis d’un film d’horreur de série B, relativement peu varié dans son ensemble. Pour autant, ils possèdent chacun leur particularité : les démons sont des créatures plutôt solitaires mais plus compliquées à abattre à cause de la grande mobilité offerte par leurs ailes, tandis que les hurleurs sont moins coriaces mais ont la fâcheuse manie de se déplacer en meute et de pouvoir appeler des renforts. Certains mutants sont d’ailleurs propres à des zones en particulier, on pense notamment aux Crevettes femelles (rien à voir avec celles que vous mettez dans votre assiette les soirs de fête, c’est promis) qui se cachent sous l’eau et se contentent d’apparition éclair le temps de cracher un jet d’acide au visage de notre protagoniste. Etrangement, il s’agit probablement du mutant le plus exaspérant, puisqu’il apparaît le plus souvent lorsque l’on utilise la barque pour se déplacer dans la Volga. Autant dire qu’il est relativement compliqué d’esquiver efficacement les projections de ces bestioles qui poussent à consommer un maximum de medi-kits. En vérité, il s’agit probablement de l’un des moments les plus frustrants du jeu.
En dehors de cet aspect bien particulier, Metro Exodus s’avère être tout à fait plaisant à jouer, notamment grâce à son système de craft qui permet une réelle personnalisation des armes. Du canon jusqu’à la crosse en passant par le viseur, les possibilités sont assez énormes et permettent de s’adapter en fonction des situations, ce qui est largement appréciable. En effet, si Artyom devra trouver des établis pour tout ce qui est crafting de munitions, réparation du masque à gaz et entretien des armes, son sac sera largement suffisant afin de modifier son équipement sur le champ de bataille. L’aspect pratique se révèle lorsque l’on en vient à avoir besoin d’une arme équipée d’un silencieux ou bien d’une lunette x4 afin de ne pas se faire repérer. Bien que dans l’ensemble, il convient d’adopter un comportement aussi furtif que possible, il est également possible de foncer dans le tas en prenant le risque de se faire descendre sans attendre. On le concède, le comportement de l’IA armée est parfois aux fraises et offre de jolies fenêtres pour les mettre à terre. Mais lorsque cette dernière ne se prend pas les pieds dans le tapis, elle peut facilement éliminer Artyom d’une balle bien placée ou d’un tir de fusil à pompe, probablement dans un souci de réalisme, mais aussi pour conserver l’aspect survival.
Le jeu parvient assez facilement à offrir des sensations assez grisantes, que ce soit lorsque l’on parvient à mettre à terre un à un tous les ennemis d’une zone sans se faire repérer ou en survivant à une horde de mutants déchainés. Cela est en partie dû au très bon feeling rendu par les armes. Le gameplay se veut un peu plus lourd, notamment à cause des nombreuses possibilités qui débouchent sur des combinaisons de boutons à garder en mémoire si l’on ne veut pas avoir à repasser par les options pour se rappeler comment dégainer le briquet par exemple. Dans le même ordre d’idées, Artyom reste assez rigide dans ses déplacements et ses actions, ce qui n’est pas si choquant lorsque l’on prend en compte le fait qui n’est qu’un simple humain affublé d’un véritable attirail. Reste qu’il nous a fallu mettre la sensibilité de la caméra et des déplacements au maximum pour obtenir un rendu plus proche de ce qu’offrent des shooters plus dynamiques.
Un train de retard ?
Avec Metro Exodus, 4A Games tente clairement une incursion dans la cour des grands, afin de jouer des coudes avec les titres les plus attendus de l’année. Jusqu’ici, les conditions semblent plutôt bien remplies, malheureusement pour se hisser sur le podium, il aurait fallu revoir l’aspect technique qui vient ternir l’ensemble. C’est d’autant plus dommage qu’il s’agit là du point négatif qui saute le plus aux yeux. Visuellement, l’ensemble est un peu en retard et pêche à cause de textures vieillottes et d’un certain manque de détails. On assiste pourtant à de très jolis jeux d’ombres et de lumière, notamment grâce au cycle jour nuit qui offre de chouettes couchers de soleil surtout lorsque les rayons de ce dernier se réverbèrent sur des étendues d’eau. La direction artistique vient largement magnifier cela à l’aide d’environnements très typés et d’une ambiance post-apocalyptique du plus bel effet. Les rares moments où elle se veut chaleureuse permet de rompre avec une atmosphère singulière, pas totalement effrayante, mais jamais vraiment rassurante. On est loin de la claustrophobie ambiante des souterrains de Metro 2033 et Metro Last Light, mais Exodus parvient tout de même, malgré ses environnements ouverts, à offrir son lot d’endroits exigus et anxiogènes.
De la même façon, le sound design franchement très convaincant est couplé à une bande-son discrète, assez peu variée au premier abord, mais toujours dans le ton de l’action. Malheureusement, si un soin tout particulier a été apporté au son émis par les armes et les créatures, on regrette que le mixage global soit aussi mauvais et dénote un certain manque de finition. Certains bruits, même proches, semblent parfois étouffés, voire même sourds. Cela a eu pour effet de nous sortir de l’action plus d’une fois, notamment lorsque l’on se fait attaquer par un hurleur et que ses grognements lors d’une attaque étaient bien moins perceptibles que le soufflement du ventilateur de la console qui nous a servi à tester le jeu. Le constat est évidemment le même si l’on joue avec un casque, ce qui est d’autant plus dommage car cela affecte forcément l’immersion.
Enfin, le jeu tourne plutôt bien sur PS4 basique, ce qui reste une bonne nouvelle en soi, tant on s’attendait à pire. Le framerate aura légèrement tendance à plier le genoux devant un écran chargé d’ennemis lorsque l’action est frénétique, mais on imagine que la chose est atténuée sur PS4 Pro. Ce sont surtout de petits bugs qui ont eu tendance à nous faire tiquer à plusieurs reprises : une gestion des collisions parfois hasardeuses, des textures qui se chevauchent ou bien des triggers qui peinent à s’activer… Le bilan technique n’est pas alarmant dans le fond, loin de là, d’autant que bien des soucis pourraient être corrigés via des patchs très rapidement. Cependant on ne peut s’empêcher de penser que s’il était finalement sorti à la date convenue, plutôt que d’arriver dans les bacs une semaine avant, Metro Exodus aurait pu bénéficier d’un petit coup de polish supplémentaire, ce qui n’aurait pas été du luxe pour faire face aux mastodontes sortis en ce début d’année et ce qui arrive. Difficile en revanche d’être aussi clément avec les temps de chargement, vraiment longs lors des niveaux ouverts. Lorsque l’on a chargé notre partie en lançant le jeu durant nos phases de tests, il était commun de devoir attendre 3 à 4 minutes (si ce n’était plus) devant l’écran de chargement avant de pouvoir jouer. Ils sont moins longs par la suite, mais il n’est pas rare de devoir attendre plusieurs dizaines de secondes après une mort.
Heureusement ses qualités permettent de contrebalancer ces défauts. On regrette simplement qu’il ne puisse avoir l’aura qu’il mérite car Metro Exodus transpire de bonnes idées en plus d’une écriture solide mise en scène par une narration efficace. Il est d’ailleurs intéressant de noter comment les différents personnages qui accompagnent Artyom changent en fonction des quelques choix qui s’offrent au joueur, leur offrant plus de consistance. Cela offre indubitablement à l’histoire un caractère certain, d’autant que cette dernière recèle en son sein son lot de plot-twists et autres techniques afin de maintenir le joueur en haleine. Après tout, l’auteur des livres, Dmitri Gloukhovski a activement collaboré avec 4A Games sur ce nouvel opus, rien d’étonnant donc à ce que l’on s’implique dans la cause du personnage principal.
Verdict : 7/10
Soyons clairs, Metro Exodus est clairement l’un des jeux de l’année. Brillant de par son écriture, fascinant de par son scénario, et presque jouissif de par son gameplay et son concept, le titre de 4A Games ne manque clairement pas d’atouts dans sa manche. Pourtant, on ne peut passer outre le manque de finition certain qu’il accuse, surtout lorsque cela met à mal l’un des éléments qui consiste justement à rendre un titre du genre immersif. L’essentiel reste que la recette fonctionne et séduit sans peine. Les aventures d’Artyom offrent une expérience dont on se souviendra un moment, en espérant que cela permettra à la franchise de prendre du gallon et éventuellement de revenir encore plus forte avec un éventuel prochain opus. En attendant, reste à voir si les DLC sauront s’avérer d’aussi bonne facture que le matériel de base, il serait dommage de ne pas prolonger le plaisir.
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