Sorti initialement en 2007 sur PC, Death to Spies est ce que l’on pourrait communément appeler un clone de Hitman. Faisant dans l’espionnage et l’infiltration, cette licence russe misait toutefois sur une approche plus sombre que les aventures de l’agent 47. Après un joli succès renouvelé en 2009 avec sa suite nommée Moment of Truth (toujours exclusivement sur PC), Death to Spies n’avait plus jamais donné signe de vie (ou presque)… Jusqu’à aujourd’hui. Explications.
En effet, Death to Spies 3: Ghost of Moscow fut annoncé en 2010 par Haggard Games (le studio responsable des deux premiers opus). Par malchance, l’éditeur du jeu (1C Company) leur faisant faux-bond dès 2011, les programmeurs d’Europe de l’Est firent alors appel à la communauté pour aider le financement du titre, et ce, par le biais d’Indiegogo dès 2013, puis Kickstarter en 2014. Vous vous en doutez peut-être, ces deux appels aux dons ont lamentablement échoué. En juin de la même année, le jeu fut renommé Alekhine’s Gun (en référence à la tactique utilisée par le champion du monde d’échecs Alexander Alekhine) et c’est Maximum Games qui décida de reprendre le flambeau. A la fois en tant qu’éditeur, mais aussi et surtout en tant que développeur. Cette précision a toute son importance ici, car si vous vous demandez pourquoi nous vous racontons toute l’histoire depuis le début, c’est évidemment que cela peut servir de justification à bien des choses. Le fait qu’Alekhine’s Gun ressemble beaucoup plus à un jeu indé de 2010 qu’à un AAA de 2016 par exemple…
Car oui, n’y allons pas par quatre chemins, les points noirs du jeu sont très nombreux ! Et si visuellement, outre quelques effets de lumière assez plaisants, le jeu est très laid, c’est surtout son aspect technique qui refroidira bon nombre de joueurs. Tournant la plupart du temps à 25 images par seconde, le soft se paye même le luxe de descendre à 20 images par seconde lorsque beaucoup de PNJ sont visibles à l’écran. Entendez par là qu’à partir de cinq personnages, la console surchauffera comme jamais. On n’oubliera pas non plus de mentionner les écrans de chargement longuets, les animations ultra-rigides, les bugs qui vous bloqueront on ne sait comment dans une partie du décor (ne longez surtout pas le grillage dans le niveau situé au Texas, sous peine de vous retrouver instantanément coincé comme par magie dans la remorque d’un pick-up !). Sans parler évidemment des soucis sonores (le mixage est tantôt très bas, tantôt hurlant), de la traduction française réalisée avec Google Trad (véridique!), ou encore des cinématiques qui resteront muettes dès lors que vous baisserez le son de la musique du jeu… Oui car c’est bien connu, la musique et les voix, c’est un petit peu la même chose au fond ! Pour l’anecdote, sachez que dans la mission se déroulant à l’hôtel, un PNJ vous affirmant « I can’t let you come in through » (littéralement « Je ne peux pas vous laisser entrer ») sera sous-titré, attention les yeux : « Va te faire f*****, c****** ! ». Une traduction pareille, ça ne s’invente pas.
Mais alors, Alekhine’s Gun est-il pour autant un mauvais jeu ? Clairement, non ! Et si le paragraphe précédent vous a d’ores et déjà convaincu d’éviter ce jeu comme la peste (nous ne vous jetterions pas la pierre, cela dit), sachez que le titre bénéficie d’une aura, ou plutôt d’un capital sympathie assez poussé. Durant nos sessions de test, nous avons à maintes reprises tenté de comprendre pourquoi, mais il s’avère que nous avons eu énormément de mal à lâcher la manette. A l’instar d’un Deadly Premonition par exemple, le nouveau bébé de Maximum Games est le genre de jeu qui n’a absolument rien pour lui mais qui, sans que l’on sache réellement pourquoi, vous tiendra sans souci en haleine du début à la fin. Pire, il se pourrait même que vous en redemandiez.
Alors, bien sûr, à aucun moment ce jeu d’infiltration n’atteint le génie du jeu de Swery, mais on peut dire qu’il réussit avec brio le pari de nous faire oublier le temps de quelques heures ses tares techniques pourtant impressionnantes. La faute sans doute à la diversité des décors rencontrés au fil de notre aventure. Car si les 11 missions du jeu vous occuperont déjà de longues journées en soi (comptez une à trois heures par level, selon vos talents et votre attrait pour le score parfait), il faut bien avouer qu’il est fort plaisant de passer d’un palace suisse à un club de bikers perdu en plein Texas. Sans parler du salon de massage asiatique, de la caserne de pompier allemande, du laboratoire clandestin ou encore du château nazi servant d’introduction à cet Alekhine’s Gun. Le scénario se laisse d’ailleurs suivre sans déplaisir (à condition d’avoir laissé le son dans les cinématiques, évidemment), et les différents événements (tantôt en 1944, tantôt en 1963) parleront sans aucun mal aux férus d’intrigue et d’espionnage mêlant Guerre Froide et Troisième Reich.
Le gameplay, lui, est toujours inspiré de ce à quoi nous a habitué Hitman, et ce depuis le premier Death to Spies. Déguisement, corde à piano, mise en lieu sûr des cadavres ramassés ça et là… En somme, si vous êtes un fervent défenseur des jeux prônant la furtivité, Alekhine’s Gun est fait pour vous. On pourra toujours tenter de s’en sortir tant bien que mal dès lors que l’on se fera démasquer, mais soyons clair : le but n’est clairement pas là. C’est aussi ce feeling si particulier qui fait que nous avons apprécié ce jeu pour le moins bancal. Oui, le tout fait très vieillot, oui, les animations sont risibles, oui, on se demande comment on peut étrangler un ennemi en passant le bras à travers un lampadaire, mais qu’importe ! Réussir une mission en obtenant la meilleure distinction possible et/ou des trophées PSN vantant vos mérites, voilà qui a de quoi donner le sourire aux joueurs les plus patients. Il est d’ailleurs à noter que le jeu propose plusieurs niveaux de difficulté, à savoir Facile, Normal, Difficile, ou Extrême. De quoi prouver au monde entier qu’un véritable espion n’est pas forcément qu’un grand brun britannique qui fornique avec tout ce qui bouge.
Et si le terme vous semblera sans doute un peu fort, sachez que cet Alekhine’s Gun fait finalement presque dans la simulation. En effet, si l’on choisit son inventaire au début de chaque level (pistolet silencieux, poison, chloroforme, mitraillette, couteau de cuisine…) et que l’on peut débloquer de nouveaux items grâce aux points engrangés par nos exploits en jeu, le soft vous laisse absolument seul une fois la partie commencée. Pas de mini-map (la carte des lieux est trouvable dans le menu Pause mais n’est jamais visible à l’écran), une minuscule boussole pour repérer un tant soit peu la position de vos objectifs (assassinats, mallette à voler, documents à prendre en photo, sabotage, allié à sauver, ennemi à capturer vivant…), et c’est à peu près tout. Bien sûr on pourra se servir du mode Instinct à tout moment, à l’aide du bouton R1, afin de mieux cerner les dangers qui nous entourent façon 47. Mais c’est finalement peu de choses car face à une pléthore de PNJ, il vous incombera de savoir quoi faire, comment réagir, et rapidement ! Aucune aide extérieure ne vous sera dispensée. Seul contre tous, on vous dit. Grisant !
VERDICT : 6/10
Alekhine’s Gun a tout du jeu à éviter. En apparence tout du moins. Car si ses graphismes, ses bugs, son framerate et sa bande-son sont à revoir, il n’en reste pas moins prenant, long, et incroyablement grisant. Ce troisième opus imparfait de la licence Death to Spies fleure bon le jeu solo des années 1990 et c’est sous cet angle uniquement qu’il pourra être recommandé. A vous de voir, maintenant, si les 50 euros demandés par l’éditeur vous semblent mérités.
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