Comment parler du survival horror sans évoquer le grand Shinji Mikami et son œuvre culte qu’est Resident Evil ? Si ce dernier est considéré à tort comme le créateur du genre, il faut reconnaître qu’il a su lui donner ses lettres de noblesse et influencer de nombreuses productions. Difficile donc de ne pas être enthousiaste quand ce dernier revient pour nous livrer sa vision de l’horreur, qui plus est à travers une nouvelle licence prometteuse.
Survival horror is not dead
Personne ne pourra le nier, The Evil Within était très attendu. On serait tenté de dire que le retour de Shinji Mikami dans le monde du jeu d’horreur y est pour quelque chose, mais ce serait ignorer l’état actuel des choses. En effet, le survival horror a connu des jours meilleurs et les grandes licences du genre ont perdu de leur superbe : les cinquième et sixième épisodes de Resident Evil n’ont pas convaincu, la saga Silent Hill a été confiée à un studio tchèque qui n’a pas su rendre son éclat d’antan à la saga de Konami. Entre temps, les productions indépendantes se sont succédées et ont tenté de s’imposer comme l’alternative idéale. Slender, Amnesia, ou encore Outlast pour ne citer qu’eux ont tous un point en commun : ils se jouent à la première personne. Et malgré le maigre budget dont disposaient les développeurs, la recette prenait. Légitimement, la question suivante s’est donc posée : Le survival horror à la troisième personne a t-il encore sa place ? Dire qu’il a fallu attendre la sortie de The Evil Within pour répondre à cette question serait un peu exagéré, et pourtant, après de nombreuses heures passées en compagnie du jeu, la réponse semble évidente.
Que l’on soit amateur de l’oeuvre zombiesque de Shinji Mikami ou que l’on découvre son monde horrifique, The Evil Within sera un véritable voyage, assurément. Une sorte de descente aux enfers, tellement perturbante que le joueur sera parfois plus troublé que le personnage principal. À vrai dire, le jeu nous laisse peu de répit, comme pour nous rappeler que si nous sommes ici, c’est avant tout car on veut goûter à l’horreur viscérale, que l’on joue avec nos émotions les plus profondes, et surtout que l’on nous surprenne. Il ne faudra d’ailleurs pas attendre longtemps avant de plonger dans l’univers si spécial du titre car si l’introduction prend la forme d’une banale investigation suite à un massacre dans un hôpital psychiatrique, c’est pour mieux nous plonger dans le vif de l’histoire. Mais ne déflorons pas le sujet trop tôt, commençons par les présentations.
Crimson City n’est visiblement pas une ville paisible, et c’est ici que Sebastian Castellanos officie en tant qu’inspecteur. Du haut de ses 38 ans, le personnage ne dévoile rien à son sujet. Mais n’allez pas croire pour autant que vous êtes face au personnage sans histoire qui vit les événements du jeu par hasard. Non, bien au contraire. Dans The Evil Within, le hasard n’a pas sa place, et s’il ne l’affiche pas, notre protagoniste traîne derrière lui un lourd passé. Si ses démons semblent être loin désormais, au fur et à mesure que l’on en apprend plus sur son passif on développe une sorte d’empathie pour ce personnage qui n’a rien d’attachant au premier abord. Ayant vécu deux drames qui l’on plongé dans l’alcool, il doit son retour parmi les forces de l’ordre à son collègue Joseph Oda qui a du prendre une initiative lourde de conséquences pour les relations des deux hommes, à savoir le dénoncer aux services des affaires internes. Ils devront cependant passer au dessus de cette histoire puisqu’ils seront amenés à co-opérer pour leur propre survie.
N’as-tu jamais dansé avec le diable au clair de lune ?
La vie de Sebastian, qui jusque là avait été relativement mouvementée, va donc prendre des allures de valse horrifique, et il s’agira d’une lutte de chaque instant pour rester en vie dans le monde parallèle dans lequel il a été projeté. Alors qu’il enquêtait sur le lieu du crime auquel il s’est rendu, un homme encapuchonné va le propulser dans un monde complètement différent, une sorte de réalité alternative dans laquelle créatures horribles et atmosphère nauséabonde cohabitent. Ne sachant pas où vous êtes, il faudra alors tirer au clair toute cette histoire. Mais pour cela, encore faudrait-il pouvoir fausser compagnie au Sadique, une créature armée d’une tronçonneuse contre lequel vous ne pourrez rien. Du moins pour l’instant. Et ce n’est malheureusement que le début d’une longue série de rencontres toutes plus inattendues et surprenantes. De ce fait, on apprend vite à tirer parti de l’environnement. Pour se cacher certes, mais également pour se défendre.
Vous trouverez lors du périple de Sebastian de nombreuses cachettes, comme des casiers, des armoires, ou encore des lits sous lesquels vous réfugier. Mais il faudra aussi faire attention car des pièges peuvent être disséminés ici et là et les déclencher coûtera une majeure partie de la vie de notre héros. Être attentif sera donc la seule solution de ne pas sacrifier une jauge de vie bien précieuse. Surtout que des pièges non déclenchés peuvent être soit désamorcés afin de récupérer des pièces qui serviront à créer des carreaux pour votre arbalète, dont nous parlerons très bientôt, ou bien ils pourront être utilisés contre vos ennemis ce qui vous permettra d’économiser vos ressources afin de les conserver pour vous sortir de situations délicates. Sachez donc utiliser à votre avantage les pièges à loup, les cordes tendues qui indiqueront la présence de bombes ou les détecteurs de présence reliés à des bâtons de dynamite. Ces derniers se désamorcent d’ailleurs lors d’un mini-jeu ou l’hésitation n’est pas permise. Il s’agira de stopper l’aiguille dans la partie bleue avant qu’elle ne fasse un tour complet. Si jamais vous l’arrêtez au mauvais moment ou que vous ne l’arrêtez pas du tout, il faudra en assumer les conséquences.
L’univers entier de The Evil Within est hostile, le moindre moment d’inattention pourra d’ailleurs être fatal. Inspecter les endroits que vous traverserez sera la clé pour maximiser vos chances de survie. Vous n’êtes jamais à l’abri d’une grille agrémentée de piques qui vous tombe dessus en passant par une fosse, de piques sortants du sol pour vous empaler suite à une énigme mal résolue… Ce ne sont que des exemples parmi tant d’autres, mais il faut être conscient des dangers omniprésents, car si vous foncez tête baissée, l’environnement deviendra alors votre plus grand ennemi, et les hantés n’auront pas le moindre effort à faire pour vous mettre à terre. Ces créatures infernales ne cesseront d’être présentes tout au long de l’aventure et vous pousseront dans vos derniers retranchements. Dans les faits, utiliser une arme à feu en visant la tête reste le moyen le plus efficace de s’en défaire, mais il faudra parfois utiliser vos allumettes, qui restent la solution idéale pour éradiquer de façon définitive un ennemi. Le corps à corps nécessitera un acharnement tout particulier, à un tel point qu’il n’est à conseiller que contre un ennemi seul ou bien pour repousser des hantés un peu trop tactiles.
Impossible d’évoquer les ennemis sans parler des grandes figures que Sebastian croisera durant son escapade en enfer. On peut donc aisément citer le Sadique, qui nous donnera du fil à retordre avec sa tronçonneuse et sa puissance démesurée ou encore la femme araignée, dont les pattes sont des bras/jambes, qui vous poursuivra sans relâche. Mais le plus emblématique de tous reste Boxman (aussi connu sous le nom du Gardien en version française), reconnaissable avec sa tête prenant la forme d’un coffre fort entouré de fil barbelé et son marteau. Sa rencontre restera l’un des moments forts du jeu, car il est typiquement le genre de personnage que l’on imaginerait dans nos pires cauchemars. Se défaire de ces adversaires nécessitera une technique bien particulière et il ne servira à rien d’utiliser votre arme la plus puissante sans trouver leurs points faibles. Ces rencontres sont aussi mémorables car elle nous mettent face à des adversaires qui sont véritablement en position de force face à un protagoniste qui, à première vue, n’a que très peu de chances de s’en sortir.
Pour le reste, votre équipement devrait vous fournir l’aide nécessaire pour survivre. On trouvera très vite un revolver d’une efficacité limitée mais dont il faudra se contenter au début de l’aventure. Par chance, l’inventaire grossit au fur et à mesure que vous avancez dans l’histoire. Un fusil à pompe (léthal pour les hantés en cas de headshot), des grenades, un fusil de précision… Un attirail somme toute peu original mais qui sera accepté avec joie par les joueurs. Cependant, l’arme la plus efficace reste de loin l’Agonie, l’arbalète qui représente votre meilleur allié tout au long du jeu. Sa particularité vient du fait qu’elle pourra tirer des carreaux spéciaux. Certains permettront d’immobiliser les hantés, d’autres seront explosifs, d’autres électrifiants… Ils seront d’une très grande aide contre les ennemis les plus coriaces. Comme tout bon survival horror, The Evil Within ne mettra pas à disposition une myriade de ressources et il faudra prendre soin d’éviter certains affrontements pour ne pas manquer de balles ou de carreaux. Heureusement, grâce aux pièces récupérées sur les pièges démantelés, il sera possible de créer des munitions pour l’Agonie. D’où l’importance de bien désamorcer les pièges qui n’auront pas été déclenchés. À l’aide du gel vert que l’on pourra récolter sur les cadavres des hantés, dans des caisses ou dans des tiroirs lorsqu’ils ne se trouvent pas sur votre chemin, il sera possible d’améliorer nos armes, nos aptitudes (Vie, dégâts des coups portés au corps à corps, etc), la capacité de transport des différents objets ou encore leur efficacité. Une bonne exploration sera l’une des clés de votre survie car des munitions ou des allumettes peuvent se trouver au détour d’une salle que l’on n’aurait pas forcément pensé à visiter.
The Evil Within, c’est un peu comme un Ruvik’s Cube…
Beaucoup se posent la question « The Evil Within fait-il peur ? ». Il n’est pas aisé de répondre à une telle interrogation quand on se trouve face à un tel jeu. Disons que la peur est suggérée, qu’à certains moments on sursaute, mais il faut bien différencier la peur de l’angoisse. Ce sont deux sentiments très différents ,et si le jeu joue avec le premier pour occulter le second, il maximise surtout la tension à l’aide d’éléments propres au genre que Shinji Mikami manie à la perfection. Tout est fait pour créer l’oppression et le stress, que ce soit l’ambiance musicale que les situations vécues par le protagoniste. Cela s’ajoute à l’atmosphère putride qui se dégage des décors les plus nauséabonds. L’ambiance si spéciale du jeu et délicieusement cauchemardesque donnerait presque l’impression de se trouver dans un remake de Saw, les cadavres s’accumulent, les bains ne sang ne se comptent plus. On a rarement vu un jeu aussi dérangeant et dérangé, jouant avec nos inquiétudes les plus profondément enfouies. Ce n’est pas un hasard si le jeu s’appelle Psycho Break au Japon, puisque de nombreux moments nous feront presque croire que le personnage n’est psychologiquement pas sain. Errer dans un couloir pour se retrouver d’un coup dans une pièce sans issue, ou une forêt en pleine nuit, n’est pas des plus rassurant et accentue bien la sensation d’insécurité omniprésente. Et quand les murs d’un hôpital psychiatrique ne sont pas ornés de chair visqueuse et suintante, on se voit explorer un manoir digne de celui d’un Resident Evil, nous donnant presque une impression de déjà vu, avec à nos trousses, l’un des antagonistes les plus charismatiques du survival horror : Ruvik.
Sans trop vous en dire sur le scénario, tout ce que Sebastian vit est étroitement lié à ce personnage mystérieux dont les noirs desseins seront dévoilés au fur et à mesure de l’histoire. Histoire dont la mise en scène est en tout point réussie, il faut le reconnaître. Avant tout parce que le jeu est pensé comme une aventure pouvant être vécue d’une traîte puisque tous les événements du jeu se succèdent. Le découpage en chapitres permet lui de reprendre le jeu sans être perdu et donnerait presque l’impression de suivre une série, ou un film en plusieurs parties. Le placement de la caméra joue pour beaucoup il faut dire d’autant plus que l’ATH disparaît lorsque Sebastian n’a pas son arme en main et n’est pas en train de courir. Intention délibérée ou simple hasard des choses ? Quoi qu’il en soit, l’effet est saisissant et l’effet cinémascope viendrait presque confirmer notre pensée. Si les deux bandes noires qui ornent l’écran tout au long du jeu n’ont pas pour vocation première de donner un aspect cinématographique, étant avant tout là pour des raisons techniques (en partie pour éviter l’aliasing et la chute de FPS en réduisant l’image affichée à l’écran), elles y contribuent fortement. Les possesseurs de télé ne disposant pas d’une diagonale d’écran important ne l’entendront néanmoins pas forcément de cette oreille là, et on les comprend tout à fait. On finit quand même pas s’y habituer et même par y prendre goût.
Sur PS4 le jeu affiche des graphismes convaincants malgré certaines textures floues qui font vraiment tâche avec le reste. Un point que l’on regrette fortement car le jeu dispose d’une réalisation plus que correcte. Le détail apporté aux décors du jeu est frappant et l’esthétique générale est en accord avec l’ambiance du jeu. On pourra choisir de laisser l’effet vieilli qui donne l’impression de regarder une cassette ayant vécu, mais dans l’ensemble le côté très sale prédominera et pourra faire passer les textures grossières. En revanche, on a moins apprécié le fait que certaines textures prennent un peu plus de temps que le reste du décor pour charger, ou encore les chutes de framerate. C’est regrettable, surtout quand cela arrive aux moments les plus inattendus (Lors de notre test, on a vu des passages avec plusieurs ennemis s’agitant à l’écran se dérouler sans problème, tandis qu’un simple passage en forêt a eu raison des fps). Nous avons également constaté certains bugs qui n’ont pas impacté la jouabilité mais qui ne jouent pas en la faveur d’un jeu de cette envergure. En revanche la visée pourra sembler imprécise et les déplacements des personnages un peu trop raides, ce qui pourra poser problème lorsque vous finirez acculés par une horde de hantés. Le positionnement de la caméra sera lui aussi parfois problématique dans les endroits les plus confinés mais ne rendra clairement pas le jeu injouable. Il faudrait d’ailleurs manquer de discernement pour passer à côté de The Evil Within pour ces quelques points techniques qui peuvent toutefois être corrigés à l’aide de patchs si l’équipe de développement est assez à l’écoute des critiques. Certes, ça n’est jamais très agréable de voir certaines parties du décor passer à travers notre personnage mais ça n’a jamais rendu un jeu mauvais. Surtout quand ce dernier est prévu pour être savouré à plusieurs reprises, notamment à l’aide d’un mode New Game + qui permettra de continuer à améliorer les capacités de Sebastian, de récupérer les documents à côté desquels on serait passé et surtout de vivre le jeu en difficulté Cauchemardesque ou encore 悪夢 (Akumu) qui en japonais signifie cauchemar. Ce qui en dit long sur le challenge à relever, d’autant plus que finir le jeu une première fois en mode survie (comptez une petite quinzaine d’heures) ne sera pas une promenade de santé, loin de là.
VERDICT
Céder au cauchemar enivrant que propose The Evil Within, c’est la promesse de vivre une expérience vidéoludique unique et forte, une de celles dont on ne se remet jamais vraiment et qui nous marque à jamais. Vous pensez que le surival horror à la troisième personne est mort ? Sachez que Shinji Mikami l’a réincarné tel un zombie revenant d’entre les morts pour hanter vos nuits. La peur prend ici la forme d’un stress intense, le survival revient à ses premières amours en forçant le joueur à garder la tête froide face à des situations tendues dans lesquelles on aurait envie de tout régler à grands coups de mitraillettes clinquantes. Malgré des défauts notables, mais heureusement peu handicapants, le jeu sait sublimer ses qualités pour se rendre encore plus appréciable. Quand on nous offre un univers aussi dérangeant, un antagoniste charismatique et complètement détraqué armé de créatures aussi terrifiantes que dangereuses et une atmosphère malsaine au possible, comment résister à l’appel de l’horreur ?
Maxime Monnier
20 octobre 2014 at 16 h 50 minla b.o es vraiment grandiose avec du classique, très » immersif « !!
Patullaci Marcel
22 octobre 2014 at 13 h 21 minL’impossibilité de supprimer ces bandes noirs sont d’une stupidité sans nom et gâche énormément l’expérience de jeu…