S’il y a une série qui semble immuable sur PC, c’est bien Total War. Le premier opus sorti il y a 19 ans, Total War: Shogun a marqué un petit tournant dans l’univers du jeu de stratégie. Subtil mélange de tour par tour et de temps réel, la prolifique série a réussi à garder un cap, et cela pour chaque opus, de sa conception jusqu’au résultat final. Mais arriva Total War: Warhammer, jeu sorti en 2016 qui a vu certains de ses mécanismes s’adapter afin de mieux répondre à la demande fantasy que la licence de Games Workshop réclama. De ce postulat, la série connut son premier changement majeur, en faisant passer le côté épique en premier lieu à défaut de la stratégie pendant les combats. Si ce choix est venu à contrarier un public, il n’en restera que la série Warhammer reçue un succès certain. C’est dans ce contexte qu’arrive Total War: Three Kingdoms, opus souhaitant réunifier les anciens et nouveaux joueurs sous une seule et même bannière. Et cela tombe parfaitement au bon moment, car en plus des joueurs, la Chine aussi doit être unifiée.
Test réalisé sur PC grâce à une copie numérique envoyée par l’éditeur
Une histoire, deux interprétations.
Comme à l’accoutumée, ce nouvel épisode vient offrir sa période exclusive et son époque propre. Pour ce Total War: Three Kingdoms, ce sera la Chine qui sera votre terrain de jeu, en exploitant astucieusement deux interprétations d’une et même histoire. En effet, traduit littéralement de l’anglais vers le français, Trois Royaumes fait référence à l’époque 220 – 265 en Chine. Un moment charnier du pays, qui voit la dynastie Han s’effondrer, et les révoltes viennent agiter les campagnes. C’est à ce moment que le contexte historique vient à se terminer, car, si nous ajoutons l’article défini « Les » avant « Trois Royaumes », cela donne « Les Trois Royaumes » et bien que cela vient à signifier la même période et le même contexte, nous évoquons une œuvre romanesque relatant cette époque. Vous l’aurez compris, mais c’est en utilisant la double lecture de ce moment précis de l’histoire, que Creative Assembly pose la base de ce Total War, offrant ainsi une seconde possibilité dans son gameplay, afin de satisfaire comme nous l’avons vu dans notre chapeau, un maximum de joueurs.
Deux façons de jouer, une campagne.
Avant d’attaquer les nouveautés liées à cet épisode, nous allons refaire un tour sur la boucle de gameplay qui a fait le succès de la série Total War, et si vous êtes un habitué nous vous autorisons à aller au paragraphe suivant. Le soft se compose en deux temps, une première partie qui se déroule sur une map monde où seuls les généraux et villes sont visibles et qui fonctionne au tour par tour. C’est à cet instant que le joueur déplace ses généraux et améliore ses cités. Mais également à ce moment qu’il peut s’occuper de la question des relations politiques extérieures, ainsi qu’intérieures tout ayant un œil sur la globalité de ses régions. La seconde phase, dite de combat, est le résultat d’une rencontre entre deux généraux, ou d’un général avec une ville, se produisant en temps réel. Nous nous intéresserons aux ajouts des différentes phases dans la suite de notre test, mais il est important de noter que ce Total War: Three Kingdoms est l’épisode pensé pour accueillir un grand public. En effet, l’équipe en charge de l’Interface Utilisateur a réussi l’exploit de rendre le tutoriel fluide et sans lourdeur, le tout grâce à un onglet. Ainsi, la phase sur la map monde étant divisée en plusieurs pages/fenêtres, qui est la plus conséquente à digérer dans les anciens opus, se voit dans Three Kingdoms expliquer pas à pas, grâce à cet onglet mettant en surbrillance et précisant l’utilité de chaque élément.
Avant d’aller plus loin, il est important de préciser que nous avons majoritairement joué en mode « Romance ». En effet, Total War: Three Kingdoms propose deux modes de jeu : Romance et Historique. La différence se sent pendant les combats. Le mode Romance propose aux joueurs de vivre une aventure plus épique que réaliste, à savoir que les généraux sont des Êtres extraordinaires, pouvant à eux seuls lutter face à des centaines d’hommes. Le mode dit Historique s’approche plus de l’expérience d’un Total War classique (pré Warhammer), les généraux sont accompagnés d’une garde, et sont équivalents au commun des mortels. Forçant le joueur à bien placer ses unités, jouer avec la fatigue des troupes, ainsi qu’utiliser les positions disponibles pour ces dernières.
Si l’ensemble du gameplay ne se voit pas bouleverser, du côté de la partie en map monde, nombreux sont les ajouts qui viennent agrémenter l’expérience Total War. Autant prévenir, si l’aspect politique n’a jamais été le fort de la série, et cela dû à diverses raisons, ce dernier épisode vient lui donner les prémisses d’une noblesse. Cœur de l’expérience, les alliances se forment et se déforment, les vassaux jouent maintenant un rôle prépondérant à l’ambiance politique, et les seigneurs les plus grands ne sont plus forcément ceux contrôlant le plus de territoires. Vous pourrez user de plusieurs stratagèmes pour arriver à vos fins. Un Duché déléguant ses terres à de nombreux seigneurs ? Aidez l’un d’eux à se soulever contre son souverain, en lui promettant des terres et de l’argent. Vous souhaitez plus de subtilité ? Pourquoi ne pas former un réseau d’espion chez ce Duché encombrant ? À terme cet espion pourrait très bien être le bras droit de ce seigneur, et à vous d’ordonner quand ce dernier doit faire volte-face, afin de créer la zizanie dans l’Empire du trompé. Également, les factions bandits ne sont plus reléguées à un rôle de figurant, ou bien écrasé dès les premiers tours (comme cela est le cas dans Attila et Rome II ainsi que Shogun II). Dans Three Kingdoms, ces factions sont aussi légitimes que les autres, à la différence que les adjectifs belliqueux et opportunistes n’ont jamais été aussi bien portés. S’alliant avec les puissants pour grappiller ce qu’elles peuvent, voir jusqu’à trahir si le gain en vaut la chandelle. L’aspect politique n’a jamais été, dans un Total War, aussi profond et agréable à jouer. Ce point, clairement amélioré est véritablement l’un des plus de ce nouvel opus.
Autre nouveauté à la série, les relations entre personnages ajoutent un grain de sel non négligeable à cette recette politique revisitée. En effet, chaque personnage que vous rencontrerez, entretiendra une relation avec les personnages qu’il croisera. Exemple d’un schéma classique : Congqian Qinglong est un général factionnaire de Gongsun Zan, Congqian perd un combat contre Guo Yuan de la faction Ma Chao, Congqian réussit à s’enfuir, mais gardera une animosité contre Guo Yuan. Plusieurs tours plus tard, Gongzun Heng fils et général de Gongsun Zan, remporte le combat et tue Guo Yuan en duel. Cela pourra créer plusieurs effets, Congqian pourra voir Heng comme un ami, ou bien l’inverse et le détester estimant que la mort Guo Yuan lui revenait. Et de fil en aiguille, ce choix presque anodin peut créer en finalité une situation critique pour votre royaume. Et qui sait, peut-être que Guo Yuan a un frère qui réclamera vengeance ? Nous l’accordons, le cas est un peu tiré par les cheveux, mais cela n’est pas moins proche de ce que propose Three Kingdoms. Si vous trouvez que cela peut vite devenir complexe, le soft règle ce problème d’un revers de la main, il suffira d’éviter de grouper les deux généraux rivaux. Une façon pratique de résoudre ce dilemme sachant qu’en plus, chaque personnage de la Cour à ses propres préférences. Si certains admirent l’intelligence, d’autres préfèrent l’avarice, il faudra donc toujours veiller à ce que les idéaux soient sur une même longueur d’onde.
Si l’art de la politique n’est pas votre fort, lever les armes sera toujours une possibilité pour vous. Si dans sa forme l’aspect des combats n’a que peu évolué, dans son fond des changements majeurs viennent approfondir la singularité de cet épisode. La première chose marquante est l’arrivée des « Commandant de Régiment ». Ces commandants sont à la solde d’un général, ces derniers ont la possibilité de recruter uniquement six régiments. De ce fait, une armée complète vient à représenter un général accompagné de ses six régiments, et de deux commandants de régiment eux aussi accompagnés de six régiments. Ce changement majeur a pour but d’apporter un nouveau featuring lié à la classe du personnage. Ainsi, un code couleur s’instaure pour signaler les aisances, ainsi que les malus de ces derniers. Exemple de fait, Congqian Qinglong est un général « Rouge » donc dit « Avant-garde », sera plus faible à engager des généraux adverses en duel, mais excellera pour flanquer et briser les lignes adverses s’il est couplet avec des régiments de cavalerie (signaler en rouge également) prévus à cet effet. À savoir que Total War: Three Kingdoms possède cinq classes aux effets propres, plutôt soutien, ou attaquant ou jouant le rôle de maintien d’une ligne de front. Cela a donc pour effet logique de dynamiser les combats, en préférant former des groupes de régiments avec un rôle propre, simplifiant au passage la recherche de formation pour les joueurs moins expérimentés. Point important, l’intelligence artificielle a été revue à la hausse, particulièrement pendant les sièges où cette dernière dans la posture défensive, n’hésite plus à faire des retraites « maîtrisées », afin d’épuiser l’attaquant. De même dans le sens inverse où l’IA doit prendre une cité, elle attaquera de façon logique en essayant de passer par plusieurs endroits. Finalement, dans un aspect global, l’IA est plus réactive, répond mieux à la règle du pierre-feuille-ciseaux et se montre surprenante en bien comme en mal, et nous laisse toujours aussi dubitatifs dès qu’elle se fait prendre en tenaille.
Les unités également ont été revues pour offrir plus de visibilité au joueur. De la sorte, le code couleur que nous avons évoqué plus haut s’applique pareillement aux unités disponibles, laissant clairement comprendre aux joueurs en quoi ces dernières sont spécifiées. Il est bon de noter que les formations sont de retour, ainsi les murs de lances, ou de boucliers font un retour assuré. Vous l’aurez compris ce nouvel opus se place clairement vers le signe du plus, et cela non pas par conséquence, mais choix. En effet, il convient de remarquer que ce Total War: Three Kingdoms est l’un des épisodes ayant le moins d’unités diverses. Toutes les factions ont bien la petite spécialité, mais aucune n’a véritablement des unités uniques, et les combats viennent à rapidement tourner en rond. Car oui, que cela soit avec Rome II, Attila ou encore Warhammer, dans les multiples cas les factions proposent diverses unités uniques, avec des rôles plus ou moins propres, et de façon logique forçant le jouer à s’adapter en fonction des batailles. Ici il n’en est, malheureusement, presque rien. Que vous affrontiez Lu Bu ou Gongsun Zan, les unités les accompagnants seront les mêmes que les vôtres, ou de votre voisin.
Featuring ajouté, mais uniquement disponible en mode romance, les duels jouent un rôle important pendant les batailles. Toutes unités de commandement est susceptibles d’être engagées en duel, à condition que les deux protagonistes acceptent ce dernier. Une fois consenti, cela déclenche un combat en un contre un, qui peut déboucher sur le trépas d’un des deux généraux. L’objectif de ce duel est de zapper le moral des troupes. Si la finalité peut se montrer anecdotique dans son utilité (vous ne pouvez pas agir avec ce dernier), il en reste pas moins spectaculaire à regarder, les deux héros enchaînant les prises mortelles jusqu’à trouver fatalité.
Un emballage cadeau déjà utilisé.
Comme nous l’avons vu, ce Total War: Three Kingdoms se veut de réunir le maximum de sa communauté autour d’un commun, si cela passe par le gameplay, Creative Assembly semble être décidé de l’appliquer sur la partie technique également. Effectivement il est à noter que le moteur graphique, ainsi que le moteur du jeu sont tous deux les mêmes que pour les opus précédents. Ainsi nous retrouvons donc Warscape pour le graphique, et le Total War Engine 3 sous 64 bits. Deux moteurs déjà très largement utilisés qui souffleront les 10 bougies au cours de l’année. De ce postulat, nous partons sur un jeu qui est techniquement déjà daté, mais cela n’a pas que du mauvais. En maîtrisant ces deux moteurs, Creative Assembly offre un jeu fluide pendant les combats (dû à la répétitivité des modèles 3D prononcée, et un rework des animations des soldats moins précises), et rapide pendant la phase de tour par tour. Ainsi un gain de confort visuel est remarquable, au détriment cependant d’un aspect parfois vieillot.
Laissons la gratuité des propos affables aux YouTubers, justifions notre avis. Graphiquement, le soft reste correct dans l’ensemble, sans jamais pour autant décalquer la rétine. Le soft jouant au final plus sur les couleurs chaudes et fortes, plus que les détails. Car oui, si vous appréciez dans les opus précédents les moult détails que les modèles 3D offraient, dans Three Kingdoms le mot d’ordre semble être l’unification. Vos soldats, à l’exception des Commandants de Régiment, ont très peu de modèles 3D, donnant cet aspect d’un autre âge, significatif des jeux post 2010. Du côté des effets de particules, qui n’ont jamais été le fort du moteur, ils sont également relativement timides. Malgré tout, l’ensemble est agréable à l’œil, principalement dû à l’utilisation du post-traitement « Romance » qui arrive, comme nous l’avons déjà dit, à la fois à donner des éclats aux couleurs, mais vient aussi à clarifier la scène en jouant avec le flou. Mais gardez à l’esprit que dans sa globalité le soft a graphiquement stagné. À noter qu’il est possible de passer les voix (soldats, généraux, votre conseillère, cinématiques, etc..) en chinois.
Les formations sont également de retour, ouvrant plus de possibilités
Verdict : 8/10
Difficile de trouver un véritable défaut à ce dernier opus de la série, outre le moteur graphique stagnant. Total War: Three Kingdoms est bien entendu loin d’être parfait et bien que des ajouts soient anecdotiques à première lecture, ils offrent une profondeur qui n’a encore jamais été dévoilée dans un Total War. De plus, cet épisode réussi le pari d’offrir un jeu convaincant pour les fans des opus fantastiques, ainsi que ceux préférant les faits historiques. Enfin, il est l’épisode à ce jour le plus simple pour s’initier à la série, en offrant affichage utilisateur en guise de tutoriel ludique, pratique, discret et confortable, tout en gardant la richesse inhérente d’un Total War.
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