Ce n’est pas tous les jours que Nintendo met en lumière une licence vieille de plus de 30 ans. Avec 2 remakes qui ont vu le jour il y a de cela quelques années sur la Nintendo Switch, le studio revient avec un tout nouvel épisode de la série des Famicom Detective Club avec Emio – L’Homme au sourire. Avec Yoshio Sakamoto à l’écriture, qui avait déjà écrit le scénario des épisodes précédents, ce visual novel montre un aspect plus adulte à la série. Étant un genre parfois compliqué à appréhender, vaut-il le coup de s’y pencher pour découvrir cette toute nouvelle histoire ?
Test réalisé sur Nintendo Switch grâce à une version numérique fournie par l’éditeur
Des paroles et d’Emio
Emio – L’homme au sourire débute au sein de la mythique agence de détectives Utsugi, dans une ville de campagne de Kofuku, au Japon. Vous incarnez un nouveau protagoniste, où vous aurez le plaisir de choisir son nom et son prénom, de 19 ans, dont les parents ont disparu. Armé de cette volonté propre, ce personnage cherchera par tous les moyens à retrouver ses parents. Par conséquent, il rejoindra cette agence de détectives où Ayumi Tashibana (une détective assistante du même âge) et Shunsuke Utsugi, le directeur, feront déjà partie intégrante. Pour autant, toute l’attention de ce titre se focalise sur le meurtre d’un jeune collégien, retrouvé étranglé près d’une station de pompage abandonnée. Ce meurtre n’est pas anodin, car le malheureux porte sur son visage un sac en papier orné d’un large sourire. Cela n’est pas sans rappeler la légende urbaine d’Emio, un homme masqué d’un sac en papier qui viendrait voir des jeunes filles en pleurs pour leur offrir « un sourire pour l’éternité » en les étranglant, puis en leur mettant ce même sac sur la tête. Cette fameuse légende a potentiellement provoqué l’apparition d’un tueur en série il y a 18 ans qui aurait suivi à la lettre cette légende en tuant 3 adolescentes dans des circonstances tragiques.
L’agence de détectives Utsugi devra donc mobiliser tous ses hommes pour comprendre les tenants et aboutissants de cette enquête de meurtre d’un jeune collégien. Cela ce fera en partie avec l’aide de la police de Kofuku, dont l’inspectrice Junko Kuze ainsi que son second Daisuke Kamihara qui vous prêteront plus ou moins main forte. La police ne peut malheureusement pas divulguer toutes ses informations à des détectives privés. Par conséquent, votre protagoniste sera envoyé par un membre de la police pour enquêter, en parallèle du meurtre du collégien, sur le frère disparu de Junko Kuze, il y a maintenant 18 ans. Étrange quand ce fameux tueur en série a, lui aussi, fait son apparition il y a 18 ans. Pour mener à bien cette investigation, la parole ainsi que votre analyse seront vos meilleurs alliés. Que ce soit avec les passants ou avec les amis de la défunte victime, tout est bon pour récolter des indices sur la situation. Vos analyses aussi mentales que visuelles seront mises à l’épreuve, comme tout bon visual novel qui se respecte. Après 10-12 heures de réflexion et d’échanges en tout genre, l’histoire se clôturera avec 13 chapitres à son compteur, dont un final à la manière d’un animé japonais.
D’Emio mais pas que
Comme tout visual novel qui se respecte, le public visé est plutôt de niche. Le genre est si particulier qu’il est capable d’en rebuter plus d’un, malgré l’histoire attrayante. Oubliez les ténors que sont Ace Attorney ou Apollo Justice, ici, nous faisons face à un gameplay réduit au strict minimum. La seule véritable aide en direction des néophytes du genre est l’activation des mots importants en surbrillance jaune. Une autre fonctionnalité notable pour aider, notamment les nouveaux joueurs, correspond aux récapitulatifs interactifs disponibles dans chaque chapitre. Même si redondante pour les habitués, cette particularité reste appréciable par la diversité des choix proposés. Allant du simple choix multiple, à l’écriture même d’une partie de la phrase, nous avons été surpris par la reconnaissance d’une bonne partie du vocabulaire français lors de cette dernière. Si nous prenons un exemple totalement différent de ce que peut proposer le jeu avec la volonté de trouver le mot « noyade », les mots comme « noyé » ou bien « inondation » vont être acceptés comme des réponses valables. Si vous êtes un joueur qui espace les sessions de jeux, cette fonctionnalité est parfaite pour vous. Elle colle cependant moins à ceux qui aiment terminer leur jeu d’une traite et se verront prendre la main de manière parfois injustifiée, comme si on avait oublié ce qu’il s’était passé il y a 30 minutes.
Le menu est simplissime, pour nous rappeler que le genre sert avant tout l’histoire plutôt qu’un gameplay révolutionnaire. Exit l’utilisation d’innombrables touches, ici le minimaliste fait foi. Quelques actions pour parler, examiner, interagir ainsi qu’une option de réflexion au cas où vous ne vous souviendriez plus de la suite. L’accent est mis sur la direction artistique, la bande-son et l’histoire. Le visuel est époustouflant, les animations en arrière-plan attirent l’œil tout au long de l’histoire. Tous les éléments sont cohérents, parfaitement bien animés, donnant une impression de vie face aux mouvements de chaque personnage sans tomber sur du grotesque. La colorimétrie est parfaitement maniée autant dans les scènes plus tragiques que dans les scènes joyeuses au café. Tout est finement dosé proposant une expérience la plus humaine possible. La bande-son ajoute à cela une expérience encore plus complète. Les coups de téléphone qui ne sont ni trop ni pas assez, la pluie ou la musique collant à chaque situation. Le tout est sublimé par un voice acting de qualité, entièrement doublé en japonais et sous-titré en français pour chacun des protagonistes rencontrés. Que ce soit le son ou l’image, l’entièreté est maniée de telle sorte à faire ressortir le côté mystérieux de l’histoire et ses nombreux rebondissements.
Nous n’allons pas nous étendre sur ces rebondissements qui font l’essence même de cette œuvre et du genre visual novel. Le jeu se veut quand même de traiter des sujets plutôt sombres pour la console de chez Nintendo : les violences familiales, les meurtres d’adolescents ou bien encore le suicide en règle générale. Heureusement que quelques touches d’humour de la part de Daisuke ou de notre protagoniste ajoutent une pointe de légèreté à cet univers parfois morbide. Par ailleurs, ne vous attendez pas non plus à des gerbes de sang, tout est un équilibre dans ce titre. Malgré la présence de sujets plutôt complexes, le PEGI 18 se ressent surtout vers la fin du titre. Une fin qui nous a chamboulé avec ses nombreux retournements de situation. Nous avons en tout cas apprécié la manière astucieuse dont le logo a été traité.
D’Emio mais encore
L’histoire est donc centrale pour le genre du visual novel. On a pourtant une recette parfaite avec tous les éléments cités précédemment. Cependant, il est astucieux de contrebalancer tout ça. En effet, le pivot central est ce fameux tueur en série qui semble avoir frappé à nouveau 18 ans plus tard. La tension se sent sur de nombreuses scènes du titre. Des images frappantes qui nous ont fait sursauter tant par la venue soudaine du méchant de l’histoire ou d’un élément extérieur imprévisible. On tentera de comprendre son mode opératoire, l’origine de son mal, le tout baigné dans un mystère qui nous tient en haleine jusqu’à la fin de la dizaine d’heures de jeu. Bien que ces scènes nous aient tenu à bras-le-corps, elles paraissaient bien trop peu à notre goût. L’agence de détectives Utsugi s’efforce d’avancer dans l’enquête de leur côté, sans sentir la pression, que ce soit au niveau de la famille du jeune collégien mort ou même de ce fameux tueur en série. La ville part du principe que ce n’est pas si grave et tout le monde circule comme si de rien n’était. Il aurait été appréciable de voir des policiers patrouiller, nous empêcher d’attendre certaines zones jugées dangereuses.
Même si Yoshio Sakamoto a effectué un travail d’écriture des plus remarquables sur ce nouvel épisode de la série des Famicom Detective Club, Emio propose une histoire linéaire. Même si l’intérêt du joueur grimpe au fur et à mesure afin d’atteindre le climax de la fin de l’histoire, nous ne faisons pas face à nos propres choix. Que nous répondions bon ou mauvais aux récapitulatifs, le tout est formé de telle sorte que le jeu se finit sur cette fin, que l’on aime ou non. Ce style linéaire pourrait porter préjudice à bon nombre de joueurs. Par ailleurs, cette volonté de connaître le fin mot de l’histoire est parfois entachée par des scènes parfois trop longues et vides de sens au nom de l’enquête. Des passages qui tirent occasionnellement en longueur le titre, et pas pour les meilleures raisons. Nous aurions peut-être préféré une importance plus marquante pour certains personnages comme Shunsuke Utsugi ou le directeur de la police. De plus, de nombreuses informations sont distillées au compte-goutte. Certaines nous semblaient importantes, même si aucunes informations supplémentaires ne nous ont été fournies. Pourquoi notre personnage est-il amnésique ? Comme est-ce arrivé ? Pourquoi Daisuke Kamihara est-il un mauvais tireur ? De nombreuses questions restent en suspens, laissant le joueur sur sa faim quant à la compréhension complète de l’œuvre à notre goût. Toutefois, l’histoire reste excellente dans sa globalité et nous avons passé un agréable moment à comprendre les aboutissants de cette enquête. Mention spéciale à la véritable fin qui nous donne une séquence d’animation sublime qui clôture parfaitement ce chapitre.
Verdict : 7/10
Emio – L’homme au sourire : Famicom Detective Club est une bonne découverte pour cette rentrée. Aussi bien inattendu que réussi, le scénario vous tiendra en haleine tout au long de son récit. Vous arrachant un sourire d’un côté, vous surprenant de l’autre, Emio vous fera passer par de nombreux sentiments. Avec sa direction artistique encore plus poussée que les remakes de la série, Emio – L’homme au sourire : Famicom Detective Club aura de quoi plaire autant aux néophytes qu’aux habitués du genre. Attention cependant au PEGI 18 qui pourra en rebuter plus d’un vers la fin de l’histoire, un jeu axé aux adultes qui accepteront les sujets complexes, mais aussi par le fait de se faire emmener jusqu’à la conclusion par la main. Un jeu donc à découvrir avec plaisir, malgré un prix quelque peu élevé à sa sortie. Et surtout, n’oubliez pas de sourire, un drame est si vite évité.
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